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vendredi 4 août 2023

Judas, le treizième disciple Un chiffre chargé de signification

 

Judas, le treizième disciple Un chiffre chargé de signification


par José MONTSERRAT TORRENTS, Professeur à l'Université autonome de Barcelone (Espagne).


À plusieurs reprises dans l'Évangile de Judas, Judas est appelé par jésus "le treizième (disciple)". Si la tradition ecclésiastique utilise cette formule de "12+1", elle l'applique à Paul, sans toutefois le nommer "le treizième". Le livre des Actes des Apôtres s'évertue à justifier cette comptabilité, désormais acceptée tant dans la tradition canonique que dans les courants gnostiques'. Or, cette expression revêt dans l'Évangile de Judas une portée symbolique qui constitue, à mon avis, une des principales clés interprétatives de cet étrange document.


La structure conceptuelle de l'Évangile de Judas se développe autour de l'opposition des Douze et de Judas, le "treizième". Les Douze constituent le noyau de l'Église "psychique", tandis que Judas représente la communauté des êtres humains "spirituels". Le passage clé à cet égard est le suivant:

« "Celui qui d'entre vous [les disciples] se considère fort parmi les hommes, qu'il fasse comparaître l'homme parfait et qu'il se tienne devant moi". Et les disciples de dire : "Nous sommes forts". Mais leurs esprits n'osèrent pas se tenir devant lui, à l'exception de Judas Iscariote.

Certes, il put se tenir devant lui, mais il ne put pas le regarder dans les yeux, bien au contraire, il détourna son regard de sa face. Judas lui dit : "Je sais qui tu es et d'où tu viens : tu es venu de l'immortel royaume de Barbèlô, et je ne suis pas digne de prononcer le nom de celui qui t'a envoyé" ». (35,2-21)


UNE INCARNATION DE L'HOMME PARFAIT

Les disciples n'incarnent pas "'homme parfait".

Dès lors, ils n'ont pas le pouvoir de se "tenir devant Jésus. "Se tenir" (copte ohe rat) est un mot technique de la gnose séthienne. L'Apocryphon de Jean désigne par ce terme l'acte essentiel par lequel les dispositions divines qui procèdent de l'Esprit Virginal se constituent en face de lui : Et la notion qu'il a de lui devint acte et apparut, se tenant devant lui (Nag Hammadi Il-1, p. 27,5).

Par opposition aux Douze (ou plutôt, dans ce cas, aux Onze), Judas a le pouvoir de "se tenir" en face de Jésus. Or, ce pouvoir consiste dans la gnose, qui signifie, au sens propre, la connaissance. En effet, judas manifeste tout de suite sa parfaite connaissance de l'essence spirituelle de Jésus : "Tu es venu de l'immortel royaume de Barbèlô" : voilà l'acte de "se tenir", un acte essentiellement spirituel et gnostique. Ce pouvoir, Judas ne l'a pas reçu de Jésus à ce moment-là : il le possède par nature, par le fait de son appartenance à la "génération indomptable" évoquée dans l'Évangile de Judas (53,24), la "grande génération d'Adam" (57,11).


Nota: Dans les textes séthiens (mouvement gnostique apparut vers 70 de notre ère, selon lequel jésus n'est pas le fils du Dieu de l'Ancien Testament, mais de Seth, troisième fils d'Adam et d'Ève), BARBÈLO est la Mère divine de tous et est souvent définie comme la Prescience (connaissance que Dieu a de toute chose) du Père.



LE DISCIPLE BIEN-AIME ?

Judas était-il déjà le disciple bien-aimé ? Certains interprètes ont cru déceler dans les textes évangéliques une certaine préséance de Judas.C'est du moins ce que pensait déjà un auteur manichéen dont l'original, écrit en syriaque, a été préservé en dialecte parthe : "Il (lésus) fit d'Iscariote sa monture, le dévot le plus aimé de ses disciples. Et lui le montra au gardien en l'abordant et livra le fils de l'homme à ses ennemis? " Une fois que Judas a manifesté à Jésus la connaissance de son essence spirituelle, ce dernier amorce la "séparation" du disciple de l'univers démiurgique que représentent les Onze :

"Écarte toi d'eux; je te révélerai les mystères du royaume. Tu peux les saisir, mais tu peux aussi souffrir beaucoup, puisqu'un autre occupera ta place(NDLR.ce sera Mathias , car Judas s'était pendu donc , selon les écritures;mais plus actuel selon Aurobindo, c'est la descente de l'esprit conscient de lui-même dans le corps de l'homme fusionné), afin que les douze [disciples; NDLR.  chiffre symbolique] se complètent devant leur dieu." (35,23 à 36,4)


Ce passage implique un refus catégorique de la tradition canonique selon laquelle Judas se serait suicidé. Réalisant l'annonce prophétique de Jésus, les disciples, après l'ascension de leur maître, procéderont à l'élection d'un substitut de Judas dans le collège des Douze (cf. Actes 1,20-26), mais du vivant même de judas, si l'on en croit l'évangile apocryphe. Les représentants des deux races humaines s'écarteront alors définitivement, sans pourtant se séparer complètement. Les sujets du Démiurge ("leur dieu") provoqueront désormais des malheurs aux pneumatiques (ce qui implique la persistance de certains liens).


Nota: 

Le MANICHÉISME est une religion syncrétique inspirée du zoroastrisme, du bouddhisme et du christianisme, qui la combattirent férocement. Fondée au III s. de notre ère par le Mésopotamien Mani, elle connut une expansion importante, de l'Europe à la Chine. Sa base repose sur deux principes fondamentaux, le royaume de la Lumière (le Bien), auquel s'oppose le royaume des Ténèbres (le Mal). Cf. dossier sur le manichéisme in Religions & Histoire n° 3, juillet-août 2005.


ECCLÉSIOLOGIQUE (du latin ecclesia, lui-même dérivé du grec) : relatif à l'organisation de l'Église.

SOTÉRIOLOGIQUE (du grec sôterion, "salut") : concernant le salut ou y visant.


LES TROIS CATÉGORIES D'HUMAINS DANS LA GNOSE:


Certains mouvements gnostiques distinguaient trois catégories d'humains:

Les HYLIQUES (du grec hyle, " matière"; NDLR. qui en termes supramental ou de physique quantique: n'existe que dans l'illusion du temps , car hors du temps, tout est éternel, y compris la conscience ,dont parlait Aurobindo) représentent la troisième et dernière classe des humains, une classe inférieure qui n'a aucune chance de salut et est donc condamnée(NDLR. A moins de sortir de la matrice, de l'illusion de la forme selon le supramental).

Les PSYCHIQUES (du grec psukhê, "ame") désignent la catégorie intermédiaire des humains, dont les membres ne sont ni sauvés ni condamnés par essence, mais qui doivent faire preuve de volonté et de vertu pour accéder au salut.

Les PNEUMATIQUES (du grec pneuma, "souffle", "esprit" d'où la notion de "spirituel") sont les gnostiques eux-mêmes et représentent la classe supérieure parce que ses membres seront sauvés.




JUDAS DEVIENT LE TREIZIÈME


Une fois que cet acte de séparation aura eu lieu,Judas deviendra "le treizième"« "Pourquoi te préoccupes-tu ainsi, oh treizième esprit (daimon) ?" (...) Judas dit : "Dans ma vision, je vis comme les Douze me lapidaient et me persécutaient." » (44,21 à 45.1)"Tu seras le treizième, et tu seras accusé par le reste des générations, et tu arriveras à les surmonter. Aux derniers jours(NDLR. Parce que Judas a fusionné avec son esprit,selon le supramental d'Aurobindo), ils réprouveront tes ascensions à la sainte génération." (46,19 à 47.1)"[...] ton astre sur le treizième éon." (55,10-11)

L'expression "le treizième" n'a donc pas de sens au moment où a lieu la révélation de Jésus à judas (trois jours avant la Pâque) : Judas appartient alors encore au collège des Douze. Le "treizième" est une expression ecclésiologique qui s'applique à la situation respective des croyants après le départ de jésus.


UNE QUESTION CENTRALE : CELLE DU SALUT

Une fois esquissée le contexte sotériologique et ecclésiologique des acteurs de l'Évangile de Judas, passons à une succincte description du texte en fonction de ces données jésus se manifesta sur la terre et opéra des miracles" (33,7-8) : le Christ pléromatique "(NDLR. synonyme du tout,la source manifesté,selon le supramental de Bernard de Mtl, Sandra Vimont etc...)descendit donc à travers les sept cieux(les 7 chakras d,Aurobindo), en se rendant semblable à leurs fils, et les vida graduellement de leur puissance" (Irénée, Contre les hérésies 1 30,12). Ce Christ acquiert dès lors nature humaine(NDLR. un supramental fusionné selon Aurobindo) : "L'homme qui me revêt" (56,19-20).C'est en vertu de cette descente que Jésus possède le pouvoir démiurgique de faire des miracles.

"Pour le salut de l'humanité" (33,9) : Jésus assume toute l'humanité, tant psychique que pneumatique (cf. Clément d'Alexandrie, Excepta 58).

Mais seuls les psychiques(ceux qui doivent faire preuve de volonté et de vertu pour accéder au salut) ont besoin de rédemption, c'est-à-dire d'être rachetés du Démiurge.

Les pneumatiques(les gnostiques,les spirituels), eux, sont sauvés par nature."Alors l'appel des douze disciples eut lieu." (33,13-15) : la constitution de ce groupe vise au salut des psychiques. Les Douze ont, dans cet éon (représentation personnalisée d'une demeure céleste), un statut ambivalent : ils appartiennent, certes, au Jésus psychique, mais ils sont aussi les sujets du Démiurge, "votre Dieu qui est dans vos cœurs" (34,25-26). Plus encore : dans la perspective de la persécution contre Judas, les douze disciples manifesteront leur appartenance au Démiurge, le dieu de l'Ancien Testament : "Vous êtes ceux qui reçoivent les offrandes de cet autel que vous avez vu. C'est lui le dieu que vous servez, et vous êtes les douze hommes que vous avez vus. Le troupeau que vous avez vu préparé pour le sacrifice représente la foule que vous avez fourvoyée devant cet autel." (39,18 à 40,2)

Le discrédit, même post-pascal, des Douze, dont témoignent les sarcasmes de Paul et les dures remontrances des évangiles canoniques, est repris par la plupart des auteurs gnostiques.Selon ces derniers, les Douze, cependant, finissent par recevoir et comprendre le message de Jésus et deviennent gnostiques. En revanche, la position de l'Évangile de Judas sur ce point est unique et radicale : les Douze appartiennent essentiellement (au sens propre du terme) et définitivement à la sphère démiurgique. Le triage définitif des psychiques justes et injustes (cf. 33,10-13) est différé jusqu'a l'eschatologie personnelle (cf. 43,12-23  et Irénée, Contre les hérésies l  30,14). La séparation éternelle des deux races aura lieu a la fin des temps.


L'ANNONCE DU MYSTÈRE DE LA TRAHISON : UN MOMENT CLÉ

Le début du procès de la séparation de Judas et des Onze a lieu à cause du "mystère de la trahison" : "Toi, tu les dépasseras tous, puisque tu sacrifieras l'homme qui me revêt" (56,17-20).

Après cette annonce, Judas reçoit la perfection de la gnose : "Judas regarda vers le haut, il vit le nuage de lumière et entra en lui" (57,21-23).Cette "entrée" est l'équivalente des "ascensions" mentionnées dans 46,25. Judas devient le chef et le guide de l'Église des pneumatiques : "L'astre qui est le guide (proegoumenos), c'est ton astre"

(57,19-20).


LA POLÉMIQUE ENTRE L'ÉGLISE ET LES GROUPES JUGÉS DÉVIANTS

L'Évangile de Judas est un précieux témoin de la polémique qui, vers la moitié du Il° siècle, opposait l'Église institutionnelle et les conventicules gnostiques. Irénée de Lyon et Justin, entre autres, dénoncèrent la présence de ces déviations doctrinales au sein des communautés, insouciantes, elles, à l'égard de ce qui, pour la plupart des croyants, n'était que des querelles de théologiens.

Dans la bibliothèque de Nag Hammadi, deux traités au moins, Le Témoignage de la vérité et L'interprétation de la Connaissance, sont un reflet de cette situation. Les gnostiques, à la différence des marcionites(disciples qui refusairent le lien entrte le dieu de l'ancien et du nouveau testament) et des montanistes(fut condamné par l'église a cause de ses pratiques ascétiques), ne quittèrent pas la Grande Église pour constituer des communautés "schismatiques". En outre, jamais un concile ne fut convoqué pour parer à ce danger qui, pour beaucoup, n'en était pas un.L'Évangile de Judas reflète bel et bien cette situa-tion. Si, vers la moitié du Il° siècle, le conventicule des gnostiques dénonce la persécution que les "Douze" - c'est-à-dire les ecclésiastiques - ont infligée à Judas, c'est justement parce qu'ils font partie de la communauté chrétienne. La solution aurait été bien facile : quitter l'Église. Mais ils n'y songent nullement. Ils sont les adeptes du "treizième" ; or, il n'y a pas de "treize" s'il n'y a pas de "douze". La sélection se fera d'elle-même, à la fin des temps : "Dieu reconnaîtra les siens" ainsi que furent prudemment mis en garde les croisés qui, au XIII siècle, s'attaquaient pêle-mêle aux catholiques et aux cathares.


NOTES

"Cf. Jean Chrysostome, In Epistolam ad Galatas Commentarius, I

1 : Il est le seul, ils sont plusieurs et ils sont les colonnes de l'Église...

Paul est le dernier de tous les apôtres ; Apocalypsis de Paul, Nag Hammadi V-2, p. 20, 1-5 : Il vit les douze apôtres à sa droite et à sa gauche dans la création. Cf. aussi p. 24,13.

2 L'expression est d'origine paulinienne, cf. Ephes 4,12; Col 1,28

2 Tim 3, 17. Reprise par les gnostiques, cf. Irénée, Contre les hérésies | 29,3 ; Hippolyte, Réfutation V 7,8; 8,5.

3 Ce verbe composite traduit souvent le grec istánai, p. ex. dans Rom 11,20 : C'est la foi qui te fait tenir. Comparer avec la notice d'Hippolyte sur Simon le Mage : Celui qui se tient debout, s'est

tenu debout, se tiendra debout (estóta, stánta, stesómenon)

(Réfutation VI 12,3).

4 Texte parthe dans Mary Boyce, A Reader in Manichaean Middle

Persian and Parthian, Brill, Leiden, 1975, pp. 127-128

Traduction française inédite de Xavier Tremblay.

5-Ascensions (copte kte epshoi) : probable référence aux visions ou révélations extatiques dont le modèle littéraire est le "rapt" (har-pagé) de Paul dans 2 Cor 12,2-4. La deuxième partie de l'ouvrage connu comme l'Ascension d'Isaie porte effectivement sur une psychanodie à travers les sept cieux. Épiphane mentionne une Ascension de Paul gnostique (Panarion 38,2). Certaines "apo-calypses" portent aussi sur des voyages extatiques ("ascen-sions") à travers les cieux ou auprès du trône divin.

6-Dans l'Apocalypse de Jacques, Nag Hammadi V-3, pp. 42-43, les Douze persistent dans leur conduite psychique même au moment de l'assassinat de Jacques, le frère de Jésus. Il est à remarquer que ce traité côtoie l'Évangile de Judas dans le Codex Minya (c'est-à-dire le Codex Tchacos, NDLR).

7-Cette expression ne se trouve pas dans l'Évangile de judas, mais dans Irénée, Contre les hérésies I 31,1 et dans divers textes gnostiques.


Nota: PLEROMATIQUE (du grec plèrôma, "plénitude") : qui réunit tous les êtres supérieurs, les éons; synonyme de Tout,Royaume.  xxxxx


 REF.: Le magasine,Religions et Histoires,numéro 11, 2006.


Nota: Source manifesté , Par Sandra Vimont:

 lexique=  www.supramental.biz/fr/supramental-lexique.xml

Source universelle : Source qui émane de la Source originelle et regroupe les Esprits universels (Père universel) et les Âmes universelles (Mère universelle) sur le plan supramental.


Source originelle : Origine première ou divine de l’être et de toute forme de vie dans notre monde.


Source originelle primordiale : Première source originelle, au début de tous les temps. Synonymes : Soleil blanc yin primordial, Soleil Central primordial, Source Centre première.

L'Évangile de Judas à la lumière du judaïsme mystique

 

L'Évangile de Judas à la lumière du judaïsme mystique



par Madeleine SCOPELLO, Chercheur au CNRS, Université Paris IV-Sorbonne.



La structure de l'Évangile de Judas a été nourrie et soutenue par le recours à plusieurs sources, à la fois gnostiques et non gnostiques, qui ont servi à l'auteur anonyme de cet apocryphe pour encadrer le face à face entre Jésus et juda. Dans ce riche patrimoine traditionnel, il nous paraît important de relever la présence de traditions religieuses du judaïsme, qui s'enracinent à la fois dans la spiritualité essénienne (écrits de la mer Morte), et plus largement la spiritualité du judaïsme mystique. Cette parenté apparaît en filigrane, tant dans le langage que dans les thèmes abordés par l'Évangile de judas. 


Cela n'est pas un cas unique dans la littérature gnostique : les traites d'Allogène et de Zostrien, appartenant au corpus de Nag Hammadi, attestent tout aussi bien une forte présence de traditions dérivées du judaïsme mystique, dont témoigne un certain nombre de textes appartenant au corpus dit "intertestamentaire", dans les litératures fleuries autour des personnages d'Abraham et d'Hénoch, par exemple.


UN TEXTE MARQUÉ PAR L'IDÉE DE DUALITÉ


L'évangile de judas est un texte construit sur une série d'arguments et de thèmes rangés sous des pôles opposés (bien-mal, lumière-ténèbres, haut-bas), une façon de procéder souvent adoptée par les auteurs gnostiques et qui confère à leurs textes une forte tension. Les deux premiers termes qui s'opposent sont mentionnés dans r'évangile de Judas en 33,10 : la voie de la droiture et la voie de la transgression, une expression technique qu'on relève fréquemment dans les textes esseniens découverts à Qumrân. Si l'opposition principale qui se dessine dans l'Évangile de Judas est celle entre le Dieu transcendant et parfait - que les gnostiques revendiquent comme le leur - et le démiurge responsable d'une création défectueuse, d'autres oppositions se dégagent entre le monde céleste et le cosmos, entre l'univers des anges de dieu et celui des archontes cosmiques, entre le corps prison de ténèbres(NDLR. L'égo en conscientisation et privée de son corps espritique,selon Aurobindo) et l'esprit lumineux(NDLR. L'esprit conscientisé et fusionné dans le corps physique,selon Aurobindo). De plus, les deux visions présentées dans ce document, celle qu'ont les disciples et celle expérimentée par Judas, s'articulent également selon ce schéma d'oppositions polaires(NDLR. donc une vision pour les conscientisés et ceux en devenir,car le macrocosme doit s'établir nécessairement dans le microcosme aussi !  ).


UN THÈME OBSÉDANT : LA SOUILLURE DU TEMPLE


Une des préoccupations majeures manifestées dans l'Évangile de judas est celle de la souillure du temple, thème abordé lors du récit d'une vision collective vécue par les disciples, à l'exclusion de Judas (38,2-41,6). Or, l'obsession de la souillure du temple est un des soucis majeurs de la secte des esséniens; celle-ci avait considéré que la prêtrise sadoqite (NDLR. aussi appelé : Les sadocites étaient considérés comme des membres éminents du clergé de Jérusalem, ayant un rôle crucial dans les rites religieux et la vie spirituelle de la communauté. Ils étaient perçus comme dépositaires de la tradition et de l'autorité religieuse.Ainsi, le terme sadocite désigne non seulement une appartenance familiale mais aussi un statut social et religieux particulier au sein de la société de l'époque.)avait souillé le temple de Jérusalem, c'est pourquoi elle s'était retirée sur les bords de la mer Morte afin de rendre à Dieu un culte spirituel, pur de toute souillure. 


Une étude ponctuelle de la terminologie technique dans l'Evangile de Judas et les écrits de la mer Morte étaye cette parenté.


L'IMPORTANCE ACCORDÉE À L'ASTROLOGIE


Un autre thème traité dans l'Évangile de judas qui nous paraît influencé par la pensée de l'essénisme est celui du déterminisme astrologique : dans les horoscopes de Qumrân, on affirme que chaque homme a sa destinée inscrite dans les cieux, ce qui marque son appartenance au "lot" de la lumière ou au "lot" de la ténèbre. Cette comparaison permet d'éclairer la signification que l'on doit attribuer à l'étoile de Judas"() dont il est question dans l'apocryphe nouvellement retrouvé.

(NDLR. Par rapport de l'étoile de judas(éon): Judas était sous l'emprise des astres (45, 13). Il est qualifié de « treizième daimon » (44, 20), de « treizième »(13 ième apôtre) (46, 20) et il est celui qui gouvernera sur ceux qui le maudissent (46, 21-23). Ce gouvernement de Judas s'exercera par l'entremise de son étoile (ou de son astre) sur le treizième éon (55, 10-11). C'est cet aveuglement de Judas qui le poussera à commettre le sacrifice le plus vil qui soit : Sacrifier l'enveloppe charnelle de son maître et l'offrir au dieu Saklas.)(NDLR. Le Dieu Saklas,qui est le principal démon du manichéisme)


LE PORTRAIT TYPE DE L'HOMME PARFAIT 


Par ailleurs, l'auteur de l'Évangile de Judas a construit, tout au long de son traité, l'image idéale du parfait initié, le profil du mystique qui, soit par une vision, soit par un voyage céleste, obtient la révélation des mystères, des secrets divins. Les disciples d'une part, Judas d'autre part essayent de se conformer à ce modèle idéal de toutes leurs forces. Mais c'est seulement l'attitude de judas qui coincide avec ce portrait type du mystique tracé par l'auteur.


Le lot de l'initié : la solitude:


À la page 35,21-25, on relate que, sachant que Judas était en train de réfléchir sur des arguments sublimes, jésus lui dit : "Sépare-toi des autres et je te dirai les mystères du royaume". La solitude est le lot de l'initié. En 35,26, jésus rappelle à Judas qu'il est possible d'atteindre cet état, mais qu'il peinera beaucoup. L'annonce et l'anticipation des difficultés font partie du cadre de l'ascension mystique et les exemples ne se comptent pas dans la littérature ésotérique juive. On peut aussi se demander si, lorsque Jésus dit à Judas en 36,1 "quelqu'un d'autre te remplacera" (littéralement: "quelqu'un d'autre viendra vers ton lieu"), il ne fait pas allusion à une substitution de son être corporel(NDLR. Mais a un chevauchement du corps espritique ,comme l'a déja dit Aurobindo et le supramental a venir, et annoncé en 1969 par Bernard de mtl), pendant que Judas entreprend son itinéraire mystique de façon que le nombre de disciples reste inchangé(NDLR. car judas est le 13ième disciple). L'ensemble des remarques de Jésus met en garde le candidat à l'initiation avant qu'il n'entreprenne son chemin d'élection, dont l'issue reste cependant incertaine.


Jésus, l'ange guide par excellence:


On peut par ailleurs noter que Jésus endosse ici le rôle qui est l'apanage, dans la mystique juive et dans les spéculations de la gnose (cf. à Nag Hammadi les traités d'Allogène et de Zostrien par exemple) de l'ange guide. Parmi les plus beaux textes qui définissent les devoirs de l'ange à l'égard de l'initié, l'on peut citer l'Apocalypse d'Abraham et le livre hébreu d'Hénoch.


L'ÉTRANGE VISION DE JUDAS:

Judas persécuté par les disciples


Arrêtons-nous maintenant sur la vision d'une maison dans les hauteurs, dont Judas fait le récit à Jésus et dont celui-ci fournit l'interprétation allégorique (44,24-45,26). Voici ce qu'on lit dans le texte:

« Judas lui dit : "Dans la vision j'ai vu les douze disciples qui me jetaient des pierres et me persécutaient sévèrement. Puis je me suis rendu au lieu où [le texte manque] après toi. Je vis [une maison] et mes yeux ne pouvaient en saisir la grandeur. Et de grands gens l'entouraient, et cette maison avait un toit en feuillage (ou un vaste toit) et au milieu de la maison il y avait 

[   ]. " Il dit "Maître, conduis-moi vers ces gens"

Jésus répondit et dit : "Ton étoile t'a conduit à l'erreur. Aucun homme de naissance mortelle n'est digne d'entrer dans la maison que tu as vue, car ce lieu est réservé aux saints; ni le soleil ni la lune règnent là-bas, ni le jour, mais la sainteté se tiendra toujours dans l'éon avec les saints anges.Regarde, je t'ai expliqué les mystères du royaume" ».


Une maison céleste peuplée d'hommes très grands


Cette vision s'articule en deux parties d'importance et de longueur inégales : d'abord la vision de la punition que les disciples réservent à Judas, ensuite la vision d'une maison céleste. Il s'agit selon nous du récit d'une expérience mystique vécue par Judas, et dans laquelle on peut déceler des références précises à des modèles attestés dans des textes appartenant à la mouvance de l'ésotérisme juif.

L'on examinera ici la seconde partie de la vision. judas voit une maison dont la taille extraordinaire ne peut même pas être mesurée. Cette maison est entourée de "gens nobles, de gens grands" (selon la traduction des éditeurs de l'Évangile de Judas) : entendons plutôt, en traduisant littéralement le copte, d'hommes très grands (45,5).

Ensuite, il est question du toit de cette maison, un toit en feuillage.

Il nous semble que cette description d'une maison" est une allusion précise au temple céleste, au palais où réside le dieu transcendant, thème sur lequel la littérature juive mystique et surtout la littérature dite des Hékaloth ont spéculé abondamment. Il y a ici, dans l'évangile apocryphe, une trace précise qui nous indigue que son auteur gnostique était familier de ces littératures ésotériques qui, à partir des textes de la Merkabah, ont marqué de leur sceau le courant du judaïsme mystique pendant de nombreux siècles.


En effet, la mention faite de la taille de la maison dont la grandeur est insaisissable aux yeux de Judas est typique des visions du temple céleste, du palais divin (cf. par exemple, 1 Hénoch 14 et plusieurs références en 3 Hénoch, ainsi que dans l'Apocalypse d'Abraham).


Qui sont les hommes très grands dont parle le texte copte ?

Ce sont des anges à la taille démesurée. Cette façon de nommer les anges "hommes" se retrouve dans le Testament d'Abraham V, tout au long du roman de Joseph et Aséneth ou encore dans 2 Hénoch 1. Ces hommes très grands, ces anges, entourent le lieu où réside la transcendance divine. Ils se consacrent, selon toute probabilité, au service ininterrompu de la divinité et à la prononciation du Nom sous la forme d'un chant perpétuel. 

En ce qui concerne le toit, les mentions de celui du palais divin que l'on peut trouver dans la littérature juive mystique se réferent généralement ; un toit de feu flamboyant (1 Hénoch 14,17) ; la reconstitution "toit de feuillage" dans l'Évangile de Judas est probablement erronée, ou il s'agit d'une erreur du scribe copte. On ne sait pas, car il y a une lacune, ce qu'il y avait au milieu de la maison, le seul mot partiellement conservé étant meshe, "foule" (45,9), peut-être une foule d'anges préposés au service de la divinité.


Judas initié

judas demande à jésus (45, 11) de le faire entrer dans ce lieu avec "ces gens-la" (nous traduirons, comme auparavant, par "ces hommes-la" nirome en copte). Il s'agit à nouveau, selon nous, des anges, ce qui est confirmé par les lignes qui suivent où on lit : "Ton étoile t'a conduit à l'erreur, Judas. Aucun homme de naissance mortelle est digne de pénétrer dans la maison que tu as vue, car cette place est réservée pour la Sainteté". Ni le soleil ni la lune ni le jour règneront là-bas, mais le Saint (la saintetél) se tiendra toujours dans l'éon avec les anges saints.

L'expression d'"anges saints" ou d'"anges de sainteté" est typique de la littérature de Qumrân (Règle Annexe, par exemple), du Livre des Jubilés et du 1 Hénoch. Jésus termine cette interprétation en disant à Judas qu'il lui a ainsi expliqué

"les mystères du royaume".


L'ATTACHEMENT AUX ANGES

Un autre aspect qui étaye les influences exercées par la mystique juive sur l'Évangile de Judas est l'intérêt que son auteur prête aux anges. Cet intérêt est également partagé par d'autres textes gnostiques retrouvés à Nag Hammadi ou transmis par les Pères de l'Église. L'angélologie constitue souvent, dans ces traités, le canevas sur lequel s'inscrivent les grandes problématiques gnostiques : la théologie, la cosmologie, l'anthropologie.

Tout comme dans d'autres traités, l'on trouve dans l'apocryphe de Judas des anges in bonam partem (bons) et des anges in malam partem (mauvais), le terme aggelos ayant été utilisé par les gnostiques dans les deux sens. Dans l'Évangile de Judas, on définit nettement les deux camps, les anges du Dieu Transcendant faisant face aux anges du démiurge.

L'angélologie gnostique s'enracine dans l'angélolocie du judaisme mystique dont elle réutilise des matériaux tout en les mettant au service d'une nouvelle idéologie : le Dieu Très haut se distingue du créateur du monde. Cette opposition se définit par leurs armées angéliques respectives, organisées en camps et en rangs militaires.

Ces armées sont vouées au service et à l'adoration de leurs chefs respectifs.


En guise de conclusion, l'appropriation de traditions du judaïsme ésotérique qui marquait déjà, à notre sens, certains écrits gnostiques de Nag Hammadi trouve aujourd'hui, dans l'Evangile de Judas, un nouveau témoignage. Cela nous porte à croire que les frontières entre des groupes juifs de tendance mystique et des groupes ésotériques gnostiques n'étaient pas étanches et que des relations et des liens étaient tissés entre eux.

On doit toutefois noter que ces reprises de langage, de formules, de thèmes sont adaptées au nouveau contexte gnostique qui scinde polémiquement par rapport au judaïsme la figure du dieu créateur et celle du Dieu transcendant, en construisant ainsi une nouvelle vision du monde.



REF.: REF.: Le magasine,Religions et Histoires,numéro 11, 2006.


Nota: Qui est Aurobindo ? 

Sri Aurobindo (né Aurobindo Ghose ; 15 août 1872 - 5 décembre 1950) était un philosophe indien, yogi, maharishi, poète et nationaliste indien.[3] Il était également journaliste, éditant des journaux tels que Vande Mataram.[4] Il a rejoint le mouvement indien pour l'indépendance de la domination coloniale britannique, jusqu'en 1910 était l'un de ses dirigeants influents, puis est devenu un réformateur spirituel, présentant ses visions sur le progrès humain et l'évolution spirituelle.

https://en.wikipedia.org/wiki/Sri_Aurobindo


L'Évangile de Judas est un texte apocryphe (c’est-à-dire non reconnu par les Églises) du iie siècle. Document du mouvement gnostique à l'intérieur du christianisme primitif, il apparut sur le marché, dans sa version en langue copte (iiie siècle), dans les années 1970. En mauvais état et en partie démembré, ses pages 33 à 58 (du Codex Tchacos) sont aujourd'hui déposées à la Fondation Martin Bodmer à Genève.De nos jours, un tiers environ du texte est connu.Chez les anciens, on peut noter le jugement d'Épiphane de Salamine qui, dans son Panarion (1,31), affirme que cet évangile fait partie des écritures de la secte gnostique des Caïnites. Il réagit à l'apologie que cet écrit fait de Judas en s'appuyant sur le texte des évangiles canoniques, eux-mêmes fondés sur une lecture prophétique de l'Ancien Testament. Or certains gnostiques avaient précisément comme règle herméneutique de détacher le Nouveau Testament de ses racines juives. C'est peut-être le cas de l'Évangile de Judas : en justifiant Judas, ils mettent à mal tout ce que les chrétiens ont compris du drame de l'apôtre à partir de leur méditation des livres prophétiques et des Psaumes.Il est dit à la fin de l'Évangile de Judas qu'il surpassera les autres. Or, le contexte immédiat indique que ceux que Judas surpassera ne sont pas ceux qui suivent Jésus, mais plutôt ceux qui présentent et offrent en son nom des sacrifices au dieu Saklas (56, 12-13).


Bernard de Montréal:

Son vrai nom est: Étudiant en anthropologie à l'Université d'Albuquerque, au Nouveau-Mexique, Jen-Paul Boucher, dit Bernard de Montréal, (1939-2003), a vécu, en 1969, une fusion supramentale qui généra une profonde transformation psychique, y compris une perte de mémoire. Il a exploré l'esprit humain dans un grand mouvement québécois entre 1970 et 1980. https://www.bernard-de-montreal-energie-du-savoir.com/l%27-instruction-une-puissance-vibratoire-unique/?fbclid=IwAR2d4mGYdyOa3xzUqyoiaDgBHi2AjiFAPNjOD6qBMgRdV4mpArLImlz_2OA

ou bien ici https://www.facebook.com/groups/578376322594232?multi_permalinks=1804017483363437&hoisted_section_header_type=recently_seen


BIBLIOGRAPHIE:

DOGNIEZ C. ET SCOPELLO M., "Autour des anges : traditions juives et relectures gnostiques", in Coptica, Gnostica, Manichaica, Mélanges offerts à W.P. Funk, Les Presses de 'Université Laval-Editions Peeters, 2006, pp. 179-225.

DUPONT-SOMMER A. ET PHILONENKO M. (éd.), La Bible. Écrits inter-testamentaires, La Pléiade, Gallimard, Paris, 1987.

MopSik C., Le livre hébreu d'Hénoch ou livre des palais, Verdier, Paris, 1989.

SCHÄFER P., Le Dieu caché et révélé. Introduction à la mystique juive ancienne, Le Cerf, Paris, 1993.

ScHOLEM G., Jewish Gnosticism, Merkabah Mysticism and Talmudic Tradition, The Jewish Theological Seminary of America, New

York, 1960.

SCHOLEM G., Les origines de la kabbale, Pardès, Paris, 1966.