Comment on attrape un virus informatique
aujourd'hui. En effet, la réponse à cette question est très mouvante
et évolue avec le temps. Il y a quelques années encore, beaucoup de
virus informatiques se diffusaient sur Internet sous forme de vers, se
propageant d'une machine à une autre, mais vraisemblablement parce que
de plus en plus d'ordinateurs ne sont plus connectés directement à
Internet, ce n'est plus le mode de diffusion privilégié. En effet,
derrière des box ADSL, même si vos ordinateurs, tablettes et autres
télévisions connectées ne sont pas totalement protégés, ils ne sont pas
directement et totalement accessibles depuis l'extérieur comme on
pouvait l'être quand on se connectait avec un modem directement connecté
à l'ordinateur.
Nous vous proposons de parcourir quelques modes de propagation qui,
vous allez le voir, parfois s'entrecroisent. En effet, de la même façon
qu'il est parfois difficile de classifier les logiciels malveillants, il
est parfois tout aussi difficile de tracer une frontière entre ces
différents modes de contamination.
L'installation par l'utilisateur
Ce mode de propagation permet notamment des attaques ciblées, par
exemple en envoyant un lien spécifique ou une pièce jointe à une victime
donnée. Il repose sur la confiance qu'a la victime dans le contenu qui
lui est présenté, soit parce qu'il semble provenir d'une personne de
confiance, soit parce que le sujet l'intéresse. Il peut s'agir
directement d'un programme informatique qu'on est invité à installer ou
qu'on souhaite soi-même installer, ou alors d'un document qui va
exploiter une faille du logiciel permettant de l'afficher (PDF, document
Word ou même encore une simple image qu'on ouvre dans le logiciel par
défaut de son ordinateur,
comme ce fut le cas
avec le Kodak Image Viewer livré avec certaines versions de Windows).
Dans tous les cas, c'est la victime qui clique sur le fichier pour
l'ouvrir volontairement. Dans certains cas, il se peut que cette
transmission soit réalisée par un ver (voir paragraphe plus bas) qui a
contaminé l'ordinateur ou pris le contrôle du compte de réseau social ou
de courrier électronique d'un ami. Bien évidement une personne
malintentionnée peut aussi profiter d'un mot de passe défaillant ou d'un
moment d'inadvertance pour installer un virus sur l'ordinateur de sa
victime, soit en accédant physiquement à l'ordinateur, soit en y
accédant à distance.
Les supports amovibles
Ici encore, c'est la victime qui est invitée à agir, en connectant un
support amovible (souvent une clé USB, comme dans le cas du célèbre
Stuxnet)
sur son ordinateur. Ces clés vous arrivent de personnes en qui vous
faites confiance (collègues de travail, amis, contacts professionnels)
ou bien encore sont parfois trouvées dans la rue (
cet été la société néerlandaise DSM
semble avoir été victime d'une tentative d'attaque réalisée de cette
manière). Ici, différentes techniques sont utilisées pour rendre
invisible la contamination, celle-ci se réalisant automatiquement, par
exemple avec les fonctions de démarrage automatique des systèmes
d'exploitation.
... et les partages réseaux
Dans un environnement familial (disque dur partagé sur le réseau
local pour mettre en commun documents, musique, films...) et surtout
professionnel, ce type de contamination est particulièrement courant.
Dans certains cas, on a vu qu'il pouvait être beaucoup plus efficace que
les supports amovibles puisqu'on fait un peu plus confiance par défaut à
un partage interne ou encore parce que certains environnements
professionnels imposent d'exécuter au moment de leur connexion des
fichiers de configuration se trouvant dans ces répertoires partagés.
Les vers
Les différents modes de contamination décrits ci-dessus sont parfois
comparés aux vers, notamment lorsqu'on parle des espaces partagés, mais
ils ont tous la particularité de passer par des étapes intermédiaires
avant de contaminer l'ordinateur cible. En effet, on parlera plus
facilement de vers pour les propagations qui se font directement d'une
machine à une autre, exploitant une faille dans tel ou tel protocole
réseau ouvert sur une machine. La plupart des vers exploitent une faille
ou un type de protocole spécifique, même si certains ont plusieurs
modes de diffusion. Ainsi, le ver Conficker, encore très présent
aujourd'hui sur Internet, utilise trois modes de propagation (voir cet
article de synthèse par P. Porras et al.): une vulnérabilité d'un des protocoles de communication réseau sous Windows (
MS08-067),
mais aussi le partage de répertoires sur les réseaux locaux ou encore
le partage de supports amovibles. Dans certains cas, ces vers vont
exploiter des trous laissés ouverts par d'autres virus informatiques.
Enfin, les vers peuvent aussi profiter des plateformes de communication
par courrier électronique ou sur les réseaux sociaux (comme le ver
Koobface) pour atteindre leurs victimes.
Les plateformes d'exploits
Il s'agit ici d'exploiter des failles dans les différents composants
qui servent à afficher des contenus provenant d'Internet, le plus
souvent dans les navigateurs (Internet Explorer, Chrome, Firefox, etc.),
mais aussi dans les clients de messagerie (Thunderbird, Outlook, etc.)
qui affichent le même type de contenus riches. Et il y a plusieurs
niveaux d'attaque: directement dans les fonctions du navigateurs, mais
aussi dans les extensions les plus courantes qui permettent d'afficher
des contenus enrichis (Flash et Java en particulier). Dans certains cas,
l'interaction de l'utilisateur est recherchée, pour valider
l'installation d'un module complémentaire. Ces plateformes sont
hébergées sur des serveurs Web et sont particulièrement recherchées
aujourd'hui par les délinquants qui veulent diffuser des logiciels
malveillants, parce qu'elles permettent d'atteindre directement le poste
de l'utilisateur et se montrent très efficaces avec selon les pays des
taux de contamination oscillant autour de 10% des visiteurs. Elles ont
des noms guerriers ou en tous cas très commerciaux (Blackhole, Sakura,
Sweet orange,...
voir la catégorie Plateforme d'exploits sur botnets.fr -
@botnets_fr)
; elles sont ainsi un des indicateurs les plus forts de l'évolution de
la cybercriminalité vers une véritable activité de services, avec des
bannières publicitaires sur les forums où se discutent les marchés
illégaux, de véritables services après vente allant jusqu'à rembourser
des clients mécontents, et une gestion très avancée des besoins des
utilisateurs. Leur démarche est très agressive, comme lorsque le
créateur de Blackhole, surnommé Paunch,
s'est empressé à la fin du mois d'août
d'intégrer la toute dernière vulnérabilité Java ou encore cette semaine
avec la sortie d'une version 2 avec toutes sortes de nouvelles
fonctionnalités (dont beaucoup ont pour objet de protéger celui qui
l'exploite des enquêtes judiciaires ou de la surveillance des chercheurs
en sécurité informatique -
voir cet article par
@Kafeine ou une
autre synthèse chez Sophos).
Création de trafic
Exemple de courrier électronique redirigeant vers une plateforme d'exploit en se faisant passer pour une application Facebook (source: Sophos)
Le délinquant qui veut diffuser un logiciel malveillant va donc
installer une telle plateforme d'exploit, ou plus vraisemblablement
louer les services de groupes qui se sont spécialisés dans leur
administration, car en effet il vaut mieux disposer d'un grand nombre de
serveurs différents, savoir administrer de façon sécurisée un serveur
Web, gérer les mises à jour, etc. Il va ensuite devoir attirer des
visiteurs vers la plateforme, sous formes de campagne de spam ou encore
en insérant un code particulier dans des pages Web: des bannières
publicitaires ou encore des sites Web légitimes,
comme évoqué dans cet autre article, pour
la diffusion des rançongiciels. Encore ici, ce sont des services
criminels qui se sont développés autour de la création de trafic et ils
vont louer leurs services à ceux qui veulent créer un botnet. On les
appelle parfois
traffers. Techniquement, le chargement du code
malveillant depuis la plateforme d'exploit est réalisé par l'inclusion
d'une fenêtre invisible au sein de la page Web, par des balises de type
"iframe" qui ressemblent à ce code:
Directement dans le serveur Web
Et les
traffers innovent eux aussi récemment: on a ainsi
découvert récemment un module qui s'ajoute dans les serveurs Web de type
Apache et injecte dans tout ou partie des pages Web diffusées les
balises permettant d'insérer des contenus cachés provenant des
plateformes d'exploit. C'est une évolution importante par rapport aux
modes de diffusion classique suite à un piratage de serveur Web qui
supposent de modifier de nombreux fichiers pour obtenir le même
résultat. Ainsi, on pourrait imaginer qu'un serveur mutualisé, utilisé
par des centaines de webmestres, intègre automatiquement ces vecteurs
d'attaque sans qu'ils ne puissent eux-mêmes voir de modifications dans
le code des pages Web ou des scripts PHP ou Javascript qu'ils ont chargé
sur le serveur. On pourra lire les articles sur ce module
Darkleech d'Unmask parasites,
Webmasterworld ou encore
Day by day par
@it4sec.
Et même directement dans la chaîne de fabrication
L'action récente de l'équipe de lutte contre la cybercriminalité de Microsoft contre le botnet Nitol
a permis de mettre en évidence que les logiciels malveillants
pourraient parfois être insérés au moment de la fabrication de certains
ordinateurs, ici au travers de l'installation de version contrefaites du
système d'exploitation Windows. Ce problème n'est pas totalement
nouveau, car des erreurs ont parfois été mises en évidence lors du
recyclage de disques durs partis en maintenance, ou encore lors du
téléchargement de versions contrefaites de systèmes d'exploitation, mais
c'est - il me semble - la première fois qu'une diffusion massive de
logiciels malveillants est identifiée dans une chaîne de distribution de
matériels informatiques.
Comment se protéger ?
Nous ne le répèterons jamais assez : il est important de
se tenir informé
et d'informer sa famille, ses amis, ses collègues sur les risques. La
connaissance de ceux-ci aide à éviter les actions qui favorisent les
infections virales. Des forums peuvent vous aider à vous sortir de ces
situations (
Malekal,
CommentCaMarche,...) . Il faut
se méfier à tout prix des
sources alternatives de diffusion des systèmes d'exploitation ou des logiciels, qu'il s'agisse de
contrefaçons
ou de plateformes de téléchargement. Bien entendu, ce conseil vaut pour
les logiciels commerciaux ou ceux qui sont diffusés sous des licences
libres (dans ce dernier cas on recherchera par exemple des miroirs
officiels ou de confiance).
Tenir à jour son système
d'exploitation et tous les logiciels ou modules complémentaires qu'on a
installés, particulièrement ceux qui sont les plus ciblés à savoir les
outils de navigation Internet ou encore les clients de discussion en
ligne. On pourra compléter son navigateur d'extensions de sécurité,
comme évoqué sur cette page. Quoi qu'en disent certains enfin, l'installation d'un
antivirus
est indispensable sur les systèmes d'exploitation grand public. Cet
antivirus, gratuit ou payant, doit absolument être maintenu à jour et
sera systématiquement utilisé pour vérifier la sécurité d'une clé USB de
source extérieure. Enfin, désactivez les fonctions de démarrage
automatique (USB ou réseau) si elles ne sont pas indispensables dans
votre environnement (
voir cet article pour Windows XP, 2000, 2003).
Compléments
- Un article intéressant par Brett Stone-Gross (Dell SecureWorks) sur la façon dont se diffuse le botnet Gameover (une variante de ZeuS)
REF.:
[Article reproduit depuis le
Blog Criminalités Numériques avec l'aimable autorisation d'Eric Freyssinet]