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jeudi 9 juillet 2020

Que fait la Caisse de dépôt dans les paradis fiscaux?


Que fait la Caisse de dépôt dans les paradis fiscaux?


Alors que le recours aux paradis fiscaux par nombre d’entreprises et de riches fait perdre des milliards de dollars à Québec et Ottawa, cela n’empêche aucunement notre Caisse de dépôt et placement du Québec d’y avoir abondamment recours.

De tous les grands fonds d’investissements et de retraite au monde, la Caisse de dépôt et placement du Québec est d’ailleurs l’un des plus friands des paradis fiscaux.

  • Écoutez l'entrevue de Michel Girard avec Richard Martineau à QUB Radio:

La Caisse détient des placements dans 348 sociétés incorporées dans les paradis fiscaux, pour une valeur globale allant de 22 à 36 milliards de dollars. Ce « nébuleux » écart de 14 milliards $ s’explique par la vague estimation de la valeur que la Caisse rapporte publiquement au sujet de ses placements privés.

En me remettant la liste des sociétés qu’elle détient dans les paradis fiscaux, la Caisse a, par ailleurs, tenu à me dire que la valeur des sociétés qu’elle détient dans ces juridictions à la fiscalité légère a diminué d’un milliard de dollars entre le 31 décembre 2018 et le 31 décembre 2019.

Question : « Quand vous dites UN milliard $ de moins... c’est par rapport à quel montant total en 2018 ? » ai-je demandé à la Caisse.

L’OPACITÉ DES PLACEMENTS PRIVÉS

Impossible de le savoir, la Caisse refusant de dire le montant (ou ne serait-ce que l’ordre de grandeur) sous prétexte qu’elle divulgue seulement des fourchettes de valeur à l’égard de ses placements dans les sociétés privées.

Le problème ? Plus le montant du placement de la Caisse dans une société privée est gros, plus la fourchette de valeur qui lui est attribuée est vague.

La Caisse classe ses placements privés dans 11 fourchettes de valeur, dont les cinq plus importantes affichent des écarts de 150 millions $, de 200 millions $, de 500 millions $ et même au-delà de 500 millions $ lorsque le placement dépasse la valeur de 1,5 milliard $.

Comme manque de précision, c’est dur à battre. Cela donne l’impression que la haute direction de la Caisse se fout carrément de la gueule non seulement des médias qui la suivent, mais également de ses déposants qui, rappelons-le, représentent l’ensemble des Québécois.

LA CAISSE DÉFEND SON HONNEUR

Pour justifier sa présence soutenue dans les paradis fiscaux, au point d’ailleurs où elle y possède elle-même des filiales, la Caisse affirme qu’elle le fait dans le but d’éviter notamment une supposée double imposition.

« Aussi comme nous l’avons dit par le passé, certains de ces actifs [placements] sont liés à des fonds d’investissement constitués dans des juridictions dites “neutres”. Ces derniers sont structurés de façon à permettre à des dizaines d’investisseurs de différents pays de s’associer et d’investir ensemble tout en se conformant aux obligations fiscales de leur pays de domicile. »

Mais... « La Caisse, ajoute-t-elle, respecte toutes les lois et s’acquitte de ses obligations fiscales. Nous considérons qu’il est totalement inacceptable pour quiconque de pratiquer toute forme d’évasion fiscale. »

GRAND BIEN LUI FASSE !

Bonne nouvelle : « Notre objectif, me précise la Caisse, est clairement de réduire notre exposition aux juridictions à fiscalité réduite et nous allons continuer dans cette direction. »

La Caisse se vante même d’influencer ses partenaires. « Chaque fois que c’est possible, la Caisse s’empresse d’influencer ses partenaires pour établir les structures financières à l’extérieur de ces juridictions – nous avons plus d’une trentaine d’exemples concluants au cours des trois dernières années. »

Ah bon ! Il faudrait peut-être que la haute direction de la Caisse prêche par l’exemple en fermant ses propres filiales qu’elle possède dans les juridictions à la fiscalité légère, soit sept aux Îles Caïmans et une autre aux Bermudes.

COLOSSALES PERTES FISCALES

À combien s’élèvent les pertes fiscales attribuables à l’utilisation des paradis fiscaux ? À 3000 milliards $ pour l’ensemble des gouvernements dans le monde ? De 10 à 15 milliards $ au Canada ? De 1 à 2 milliards $ pour le Québec ? Ou plus ?

S’il est impossible de connaître l’ampleur exacte des pertes fiscales, une chose est certaine : le recours aux paradis fiscaux est un cancer fiscal.

Tous les gouvernements affirment lutter contre l’évasion fiscale. Le gouvernement du Québec fait évidemment partie de la croisade. Il ne rate jamais l’occasion de défendre la vertu fiscale.

LA FARCE

Là où les gouvernements perdent de la crédibilité dans la lutte qu’ils prétendent mener contre les utilisateurs des paradis fiscaux, c’est lorsque leurs fonds souverains ont eux-mêmes recours aux paradis fiscaux pour faire fructifier leurs portefeuilles de placements.

Comme c’est le cas avec la Caisse de dépôt et placement du Québec du gouvernement du Québec.

Ironie du sort : le gouvernement de François Legault vient d’accorder une aide financière de 277 millions de dollars aux propriétaires du Cirque du Soleil, dont les deux principaux, le fonds américain TPG et le fonds chinois Fosun, exercent leur emprise sur le Cirque par l’entremise de filiales incorporées aux Îles Caïmans.

Et pour couronner le tout, je vous rappelle que la Caisse a acquis en février dernier le dernier bloc d’actions du Cirque que Guy Laliberté détenait dans une société enregistrée dans les Îles Caïmans.

La lutte aux paradis fiscaux, quelle farce !