Qui a créer cette bombe artisanale ?
Un rapport fédéral sur un incident ferroviaire survenu en 2011, semblable à ce qui s’est passé à Lac-Mégantic, émettait de sérieux doutes sur l’efficacité des freins à main et mettait en garde que «d’autres trains pourraient partir à la dérive».
Un rapport fédéral sur un incident ferroviaire survenu en 2011, semblable à ce qui s’est passé à Lac-Mégantic, émettait de sérieux doutes sur l’efficacité des freins à main et mettait en garde que «d’autres trains pourraient partir à la dérive».
Le Bureau de la sécurité des Transports (BST) soulignait aussi qu’on augmente les risques d’accident en laissant les conducteurs de train déterminer eux-mêmes des mesures de sécurité à appliquer, plutôt que de leur donner des directives claires.
Malgré ce rapport révélateur et presque prémonitoire, Transports Canada et l’industrie ferroviaire n’en ont pas tiré assez de leçons, selon des experts interrogés par notre Bureau d’enquête.
En décembre 2011, un train de la compagnie Quebec North Shore & Labrador (QNS&L) est parti à la dérive sur la Côte-Nord, près de Sept-Îles. Incontrôlable, il a atteint la vitesse de 63 milles à l’heure, semblable à l’allure du train de la Montreal, Maine & Atlantic (MMA) au moment de la catastrophe du 6 juillet.
Les similitudes entre l’incident de 2011 et la catastrophe de Lac-Mégantic ne s’arrêtent pas là.
Le convoi nord-côtier s’était arrêté dans une pente de 1,3%, une inclinaison similaire au dénivelé de 1,2% qu’on retrouve entre les villes de Nantes et Lac-Mégantic. Le poids des deux trains est aussi semblable, à environ 10 000 tonnes.
35 freins contre 11
Heureusement, le train de QNS&L est resté sur la voie et a ralenti sans qu’il y ait de blessés ni de dommages matériels.
Et même si le chauffeur a déclaré avoir appliqué 35 freins à main, cela n’a pas empêché son train de partir à la dérive.
Dans le cas de Lac-Mégantic, le conducteur de la MMA Tom Harding aurait affirmé à ses patrons avoir activé 11 freins.
Dans leur rapport déposé en janvier dernier, les experts du BST constatent que le règlement de Transports Canada concernant la sécurité ferroviaire est flou.
«Les instructions spéciales connexes à la règle 112 précisent le nombre minimum de freins à main à serrer dans des conditions générales d’exploitation, mais ne fournissent pas de nombre lorsque des conditions particulières s’appliquent», remarquent-ils.
Ce sont donc les mécaniciens de train eux-mêmes qui doivent prendre la décision, au risque de sous-estimer le nombre de freins requis, notent les enquêteurs.
«Par conséquent d’autres trains pourraient partir à la dérive», prévient le BST.
Un tel constat donne froid dans le dos à Jacques Vandersleyen, spécialiste en transport ferroviaire et chargé de cours à l’Université du Québec à Rimouski.
«Ce qu’il y a dans ce rapport, c’est en fait aberrant. Ça veut dire qu’ici, au Québec, en ce moment, il y a des trains qui roulent, des convois de 10 000 tonnes, dont on n’est pas certain que le système de frein soit optimal», observe-t-il.
Nouvelles directives ?
Transports Canada n’a pas voulu nous dire si de nouvelles directives de sécurité avaient été émises à la suite de l’incident de la fin 2011.
En réponse aux questions très précises que nous avons posées par écrit, nous avons plutôt obtenu des généralités concernant le transport ferroviaire, comme «chaque jour, du pétrole et du gaz sont acheminés en toute sécurité dans tout le pays».
On nous a cependant fait savoir que les amendes imposées aux contrevenants étaient passées de 200 000 $ à 1 million $.
REF.: - Avec Michel Morin, Bureau d'enquête