C’est un secret de Polichinelle, mais il faut parfois le rappeler. Le rôle du Cyber Command étasunien n’est pas seulement défensif.
Un article du New York Times nous révèle que l’armée du cyberespace de
Washington mène aussi des attaques visant à détruire, ou du moins à
incapaciter, les infrastructures de ses adversaires. Le réseau électrique russe, notamment, est victime d’attaques répétées depuis 2012.
S’il est impossible d’évaluer l’étendue des dégâts infligés jusqu’à
maintenant par l’USCYBERCOM, les experts en sécurité estiment que les malwares « planqués » dans les systèmes russes seront très utiles si la guerre larvée que se livrent actuellement la Russie et les États-Unis se transforme en conflit ouvert.
Depuis une loi votée en 2018, le Cyber Command américain a les mains
libres pour entreprendre tout type d’action dans le cyberespace. Les
actions qu’il mène, préventives comme offensives, sont complètement
clandestines, et même le président américain n’en est pas informé.
La Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN) dévoile un sondage-choc
qui montre que 74 % des préposés aux bénéficiaires (contre 18 % des
autres salarié-es québécois) vivent une détresse psychologique élevée
alors que le réseau de la santé et des services sociaux traverse une
crise inégalée.
La dégradation des conditions de travail des préposé-es aux
bénéficiaires (PAB) fait la manchette depuis plusieurs semaines. Mais le
sondage mené par la FSSS-CSN est le premier à chiffrer l’ampleur du
problème. Plus de 80 % des répondantes subissent de la détresse
psychologique depuis au moins un an, ce qui illustre le risque de voir
augmenter davantage les arrêts de travail si rien n’est fait. Cela dans
le contexte où les arrêts de travail sont en hausse constante. En
2017-18, le ratio d’assurance salaire des PAB était 21 % plus élevé que
pour l’ensemble du personnel du réseau. Le sondage de la FSSS-CSN révèle
aussi que le deuxième bain tant mis de l’avant est loin de se
matérialiser dans les établissements.
Un sondage-choc sur la détresse des PAB
La consultation de la FSSS-CSN a été menée du 15 février au 5 mai
2019. Ce sont plus de 8500 préposé-es aux bénéficiaires qui ont répondu à
ce sondage,
ce qui représente plus de 20 % des PAB du réseau. Les répondantes, très
majoritairement des femmes, proviennent de toutes les régions du Québec
et œuvrent dans tous les types d’établissements du réseau (CHSLD,
hôpitaux, santé mentale).
Les résultats indiquent l’urgence d’agir :
Plus de 70 % des répondantes ont fait du temps supplémentaire au cours des 6 derniers mois ;
Plus de 40 % ont fait du temps supplémentaire obligatoire (TSO) au cours des 12 derniers mois ;
Près de 30 % ont été menacées de sanctions disciplinaires en cas de refus de faire du TSO ;
Plus de 75 % n’ont pas suffisamment de temps pour donner les bains ;
Plus de 90 % affirment être constamment pressé par le temps à cause d’une forte charge de travail ;
80 % indiquent vivre une grande fatigue physique et mentale à la fin de leur quart ;
Plus de 95 % indiquent que des PAB absents ne sont pas remplacés ;
100 % sont exposées à une demande psychologique élevée et 90 % à une faible latitude décisionnelle ;
Plus de 95 % ont été exposées à au moins une forme de violence ;
Plus de 90 % identifient le manque de personnel et l’alourdissement
des bénéficiaires comme les problèmes principaux, suivis de
l’instabilité des équipes de travail (60 %).
Cette surcharge a un impact direct sur les soins, alors que :
Près de 90 % des répondantes affirment qu’elles n’ont plus le temps d’établir une relation d’aide ;
Plus de 35 % affirment que personne n’est en mesure d’effectuer les tâches qu’elles n’ont pas eu le temps d’effectuer ;
Seulement 16 % indiquent réussir chaque semaine sans exception à
donner un minimum d’un bain par semaine à tous les résidents qui sont
dans leur charge de travail ;
Seulement 15 % affirment que tous les résidents qui sont dans leur
charge de travail et qui le désirent bénéficient du 2e bain chaque
semaine ;
70 % doivent faire des compromis sur la qualité du travail ;
60 % indiquent devoir laisser des résident-es couchés alors qu’ils devraient être levés ;
55 % voient une augmentation des délais pour répondre aux demandes des résident-es ce qui peut occasionner des chutes.
« Les résultats prouvent une chose : les préposé-es aux
bénéficiaires sont au bord de l’épuisement généralisé. C’est un signal
d’alarme très clair, le gouvernement ne peut le nier. Quand on se rend
compte que certains employeurs forcent des PAB à prendre en charge
jusqu’à 100 résident-es dans certains contextes, c’est que ça ne tourne
pas rond. Et avec cette surcharge, ce qui prend le bord, c’est la
relation d’aide qui est si essentielle pour prendre soin de la
population », explique Jeff Begley, président de la FSSS-CSN.
Les solutions, les PAB les ont !
La FSSS-CSN propose des solutions
pour améliorer les conditions de travail des préposé-es aux
bénéficiaires et de l’ensemble du personnel. Le sondage de la FSSS-CSN
permet de mettre de l’avant des solutions identifiées par les PAB :
Près de 90 % des répondantes demandent l’embauche de personnel et la réduction de la charge de travail ;
Plus de 70 % affirment qu’il faut améliorer la gestion ;
Plus de 65 % souhaitent pouvoir participer aux décisions qui ont un impact sur leur travail ;
Plus de 60 % affirment vouloir avoir accès à des mesures de conciliation travail-famille.
« J’invite les ministres McCann et Blais à prendre
connaissance des résultats du sondage. Elles doivent faire quelque chose
rapidement. La négociation s’en vient. Il faut en profiter pour
augmenter substantiellement les salaires du personnel et pour améliorer
les conditions de travail. C’est pour ça que la FSSS-CSN propose
notamment à ses membres d’exiger qu’on interdise le recours au TSO. Il
faut donner un coup pour mettre fin à la crise ! », de conclure Jeff
Begley.
Les préposé-es aux bénéficiaires dans les médias
En marge du forum, nous avons tenu une conférence de presse qui a été
couverte par les médias. Cela a permis de mettre une pression de plus
sur le gouvernement Legault pour qu’il reconnaisse enfin le travail
réalisé par les PAB.
Qui
n'est pas déjà tombé dans le piège de croire un canular? Peu importe
notre âge, nos origines ou notre éducation, nous sommes tous prédisposés
à croire les fausses nouvelles, voire à sombrer dans des théories du
complot. Le coupable? Notre cerveau.
Nos
biais cognitifs ne sont pas une erreur de l’évolution. Au contraire,
ils ont permis à nos ancêtres de survivre depuis la préhistoire, dans
des conditions parfois hostiles.
Mais, dans notre époque moderne, ces mêmes biais nous
rendent vulnérables et, la plupart du temps, ils nous guident à notre
insu.
Ainsi, la première étape pour les contourner est de les comprendre.
1. On veut confirmer ce qu’on pense déjà
Pourquoi croit-on les fausses nouvelles? Parce qu'on veut confirmer ce qu’on pense déjà. Photo : Radio-Canada / Philippe Tardif
Le plus connu de ces biais cognitifs est sans doute le biais de confirmation.
C’est ce qui nous amène à chercher des informations qui soutiennent
notre point de vue et à rejeter ce qui le contredit. Par exemple, si
vous croyez que les réfugiés représentent une menace à la sécurité, vous
serez plus réceptifs aux histoires de crimes commis par des réfugiés.
Des recherches (Nouvelle fenêtre)
ont d’ailleurs démontré que notre cerveau nous récompense, en
produisant de la dopamine, lorsqu’il traite une information qui renforce
ce que l’on sait déjà.
Il peut même nous être très désagréable d’être confrontés à des faits qui nous contrarient. Des chercheurs de l’Université de Winnipeg et de l’Université de l’Illinois (Nouvelle fenêtre)
ont conçu une expérience dans laquelle des participants pouvaient
gagner de l’argent s’ils acceptaient de lire des points de vue opposés
aux leurs. La majorité des gens préféraient refuser l’argent plutôt que
de lire des opinions contraires.
Le biais de confirmation a évolué pour de bonnes raisons,
selon Robert Brotherton, chercheur en psychologie au Barnard College, à
New York, et auteur du livre Suspicious Minds : Why We Believe Conspiracy Theories,
sur les théories du complot. « Le monde est tellement complexe. Nous
sommes constamment exposés à des informations ambiguës », souligne-t-il.
Si nous étions
complètement ouverts à toutes les preuves conflictuelles qui existent,
nous ne saurions plus quoi croire. Nous serions constamment en train de
changer d’avis et nous serions paralysés par l’indécision.
Selon Hugo Mercier, chercheur en sciences cognitives à
l’Institut Jean-Nicod à Paris, le biais de confirmation aide aussi à
affirmer sa place dans la société. « Quand vous voulez convaincre
quelqu’un, vous avez tout intérêt à chercher des arguments pour votre
point de vue et contre celui de l’autre personne », explique-t-il.
Mais lorsque l’on se retrouve uniquement avec des gens
qui pensent comme nous, le biais de confirmation devient un piège. « Le
souci, c’est quand on retire ce mécanisme de feedback qu’on a
dans une discussion [...] et là, le biais de confirmation peut mener à
de la polarisation, à de la surconfiance, à des choses qui sont plutôt
néfastes », explique Hugo Mercier.
Exemple des Décrypteurs
La fonte des glaciers due aux changements climatiques est un effet bien documenté. C’est pourquoi un photomontage trompeur
montrant supposément un glacier qui a fondu en 10 ans a été tout de
suite partagé par des centaines de milliers d’internautes. Pourtant, il
ne s’agissait pas du même glacier. Lorsque mon collègue Jeff Yates a
démenti l’information, certains lui ont répondu : « On s’en fout que ce
soit vrai ou pas ». Étant donné que les glaciers fondent réellement,
cette image venait confirmer cette idée.
2. On cherche à préserver son identité
Pourquoi croit-on les fausses nouvelles? Parce qu'on cherche à préserver son identité. Photo : Radio-Canada / Philippe Tardif
Une fois que notre idée est faite, il peut être difficile
d’admettre que l’on s’est trompé, même si les preuves sont accablantes.
À ce moment-là, toute tentative de nous convaincre que l’on a tort peut
avoir l’effet inverse, selon certains experts. Les chercheurs américains Brendan Nyhan et Jason Reifler (Nouvelle fenêtre)
citent l’exemple d’Américains d’allégeance conservatrice qui croyaient
que le régime de Saddam Hussein possédait des armes de destruction
massive. Ceux qui lisaient un texte réfutant cette information étaient
encore plus convaincus que l’Irak avait de telles armes.
Cela s’explique par le fait que l’on s’identifie
émotivement à nos convictions. Ainsi, renoncer à celles-ci équivaudrait à
remettre en question son identité. « Plus vous êtes investi dans
quelque chose et plus c’est central à votre identité, plus ce sera
difficile de vous faire changer d’avis. Vous ne serez pas réceptif aux
preuves qui démontrent que vous avez tort », explique le chercheur
Robert Brotherton.
Tout le monde a déjà vécu
une situation où il a été contredit sur des croyances qui lui étaient
importantes, et ce n’est pas agréable.
Une équipe de chercheurs de l’Université de Californie du Sud à Los Angeles (Nouvelle fenêtre)
a observé ce qui se passe dans le cerveau dans ce genre de situation.
Ils ont placé une quarantaine de participants dans un scanneur
d’imagerie par résonance magnétique. Les participants devaient lire des
arguments qui contredisaient leur idéologie politique. Les chercheurs
ont alors noté une activation dans les zones du cerveau associées aux
émotions négatives et à la représentation de soi. Les auteurs de l’étude
soulignent que cela démontre la résistance du cerveau à changer ses
croyances.
3. Notre cerveau prend des raccourcis
Pourquoi croit-on les fausses nouvelles? Parce que notre cerveau prend des raccourcis. Photo : Radio-Canada / Philippe Tardif
Le désir d’avoir raison n’est pas le seul facteur qui
nous amène à partager une nouvelle sans la vérifier. Parfois, c’est
simplement une question de paresse.
C’est ce qu’ont démontré (Nouvelle fenêtre)
les chercheurs David Rand, du Massachusetts Institute of Technology
(MIT), et Gordon Pennycook, de l’École de commerce Hill-Levene de
l’Université de Regina. Ils ont fait lire des articles, dont certains
étaient faux, à plus de 3000 participants. Les chercheurs ont constaté
que les participants croyaient les fausses nouvelles même quand elles ne
correspondaient pas à leur opinion.
Selon eux, le mécanisme en cause est le manque de raisonnement analytique.
Ces participants se fiaient à leur intuition pour décider si la
nouvelle était vraie ou fausse, plutôt que de prendre le temps d’y
réfléchir. Selon les chercheurs, ce facteur jouerait un plus grand rôle
que le biais de confirmation.
Les gens croient les fausses nouvelles parce qu’ils n’y réfléchissent pas. Ils sont simplement paresseux.
« Ils ne regardent pas la source, ils ne se demandent pas
tellement si c’est vrai ou faux, déplore Gordon Pennycook. Ils le
lisent, ils trouvent ça intéressant, ils le partagent, puis ils passent à
autre chose. »
Il peut être avantageux pour notre cerveau d’économiser
ses ressources cognitives et de prendre des raccourcis. En se fiant à
leur intuition plutôt qu’en prenant le temps de raisonner, nos ancêtres
pouvaient réagir plus rapidement en cas de danger.
Mais sur les réseaux sociaux, le fait de partager des
fausses nouvelles sans les vérifier peut avoir des conséquences
tragiques. L’an dernier, en Inde, des rumeurs partagées massivement sur l’application WhatsApp ont mené au meurtre de plus de 20 personnes.
Exemple des Décrypteurs
Une fausse nouvelle
affirmant que le voile et la prière seraient interdits sur les lieux de
travail au Maroc a été partagée par plus de 36 000 internautes et elle
continue de circuler. La personne à l’origine de cette affirmation a
observé, durant un voyage au Maroc, que les employées du secteur
touristique n’étaient pas voilées et elle n’a vu personne s’adonner à la
prière. Elle en a ainsi conclu, à tort, que ces deux choses étaient
interdites.
4. Notre mémoire nous induit en erreur
Pourquoi croit-on les fausses nouvelles? Parce que notre mémoire nous induit en erreur. Photo : Radio-Canada / Philippe Tardif
Notre mémoire est très imparfaite et les fausses nouvelles profitent de ses failles pour s’y faufiler.
Lorsque l’on voit une information familière, on a
tendance à croire qu’elle est vraie… même si on l’a vue dans un article
qui expliquait justement qu’elle était fausse! C’est ce que les experts
appellent l’effet de vérité illusoire.
Les chercheurs David Rand et Gordon Pennycook (Nouvelle fenêtre)
ont démontré que cet effet agit sur notre subconscient. Les
participants à leur étude étaient plus enclins à croire les fausses
nouvelles qu’ils avaient déjà vues que celles qu’ils voyaient pour la
première fois. Cet effet s’est produit même lorsque les participants ne
se souvenaient pas qu’ils avaient déjà vu la fausse nouvelle, et même
lorsqu’ils l’avaient d’abord vue accompagnée d’un avertissement qu’elle
était fausse.
Lorsque vous répétez quelque chose, les gens sont plus enclins à y croire, car c’est familier.
Pour nos ancêtres préhistoriques, il était naturel de
percevoir ce qui était familier comme étant vrai. Mais, dans notre
société moderne, ce réflexe nous rend vulnérables aux fausses nouvelles.
Par exemple, à force de répéter, sans preuve, que l’ancien président
Barack Obama n’était peut-être pas né aux États-Unis, Donald Trump a
fini par convaincre bien des gens que cette histoire était vraie.
Cela pose aussi un problème pour les médias qui vérifient
les fausses nouvelles, car chaque article qui explique qu’une
information est fausse contribue à renforcer l’effet de vérité
illusoire.
Exemple des Décrypteurs
Au cours des dernières décennies, plusieurs informations
ont circulé sur le cinéaste Woody Allen : il a épousé une femme qui
était la fille adoptive de son ex-conjointe, il a adopté une jeune fille
d’origine asiatique, et il a été l’objet d’allégations d’agression
sexuelle sur une de ses filles adoptives. Bien que ces trois éléments ne
soient pas reliés, certains les ont confondus, ce qui a mené à la
création d’un photomontage trompeur sur le cinéaste.
5. On se méfie des dangers
Pourquoi croit-on les fausses nouvelles? Parce qu'on se méfie des dangers. Photo : Radio-Canada / Philippe Tardif
Les informations qui attirent le plus notre attention
sont souvent celles qui nous préviennent d’une menace : un aliment que
l’on mange couramment serait contaminé, une vague de crimes se produit
dans notre quartier...
C’est normal que notre cerveau ait peur du danger.
Le chercheur Hugo Mercier explique que, pour nos ancêtres, il était
plus prudent de voir des dangers là où il n’y en avait pas que d’ignorer
des dangers qui étaient réels.
Si vous ramassez des
champignons et que vous n’êtes pas trop sûr si un champignon est
vénéneux ou comestible, vous allez vous dire “je vais faire attention
parce qu’il est sûrement vénéneux”.
Ceux qui produisent des fausses nouvelles exploitent souvent ce biais cognitif. Des chercheurs du MIT (Nouvelle fenêtre)
ont analysé plus de 126 000 tweets publiés entre 2006 et 2017, ainsi
que les émotions qu’ils suscitaient chez les internautes qui les
partageaient. Les chercheurs ont constaté que les publications
propageant des fausses nouvelles inspiraient de la peur, du dégoût et de
la surprise, tandis que celles contenant des vraies nouvelles
suscitaient de l’anticipation, de la tristesse, de la joie et de la
confiance. Selon cette étude, les fausses nouvelles étaient partagées
beaucoup plus rapidement et rejoignaient plus de gens.
Pourquoi croit-on les fausses nouvelles? Parce que nos sens nous trompent. Photo : Radio-Canada / Philippe Tardif
Dès notre plus jeune âge, nos cinq sens sont notre
premier moyen de comprendre le monde qui nous entoure. On croit d’abord
que la Terre est plate, que les objets lourds tombent plus rapidement
que les objets légers, ou encore que le froid donne le rhume… jusqu’à ce
que la science nous confirme que ces perceptions sont fausses.
Le réalisme naïf est la tendance à
croire que le monde est exactement tel qu’on le perçoit, et cela est
inné chez l’humain. Pour nous en défaire, il faut accepter que nos sens
puissent nous tromper et que notre perception intuitive du monde ne soit
pas toujours vraie. Cela est très difficile à accepter pour notre
cerveau.
Selon des chercheurs de l’Occidental College à Los Angeles (Nouvelle fenêtre),
cette tendance persiste même à l’âge adulte. Les chercheurs ont exposé
des participants à des affirmations scientifiquement vraies, mais
intuitivement fausses, par exemple que les baleines sont biologiquement
plus proches des humains que des poissons. Les participants prenaient
plus de temps à accepter les affirmations qui contredisaient leur
intuition, même lorsqu’ils avaient une formation scientifique.
Exemple des Décrypteurs
On entend souvent qu’une image vaut mille mots, mais ce n’est pas toujours évident de savoir ce qu’une image dit réellement. Une photo d’un navire entouré d’une traînée brune
semble être une preuve convaincante que le bateau déverse de la
pollution dans l’océan. En réalité, il s’agit simplement de sable et de
boue soulevés par les hélices du navire.
7. On cherche un sens aux événements
Pourquoi croit-on les fausses nouvelles? Parce qu'on cherche un sens aux événements. Photo : Radio-Canada / Philippe Tardif
« Rien n’est dû au hasard. » Ce dicton populaire illustre
un biais fondamental chez l’humain. On croit que tout événement a une
cause, et on est déterminé à la trouver.
Pour nos ancêtres, il était essentiel de comprendre la
cause des événements afin de se préparer à mieux y faire face. Ces biais
peuvent toutefois nous mener vers une pente glissante.
Le biais de détection nous porte à voir
des formes là où il n’y en a pas. Cela se manifeste entre autres par
notre tendance à voir des visages humains dans la nature, par exemple
dans les nuages. La théorie du complot Illuminati, qui veut que le monde
soit contrôlé par une société secrète, exploite ce biais. Puisque le
symbole des Illuminati serait une pyramide, ceux qui adhèrent à cette
théorie croient voir des triangles un peu partout comme preuves de
l’existence de ce groupe.
Les
rappeurs Jay-Z et Kanye West placent leurs mains en forme de diamant,
pour représenter le logo de la maison de disques de Jay-Z, Roc-A-Fella
Records. Certains croient y voir le symbole des Illuminati. Photo :
Getty Images / Rob Loud
Le biais de corrélation illusoire nous
porte à imaginer des liens de causalité lorsque deux facteurs fluctuent
dans la même direction. Le taux de vaccination contre la rougeole a
augmenté en même temps que le nombre de diagnostics d’autisme? Certains y
verront une preuve que les vaccins causent l’autisme.
Pour démontrer les failles de ce genre de raisonnement, l’Américain Tyler Vigen a créé un site Internet (Nouvelle fenêtre)
illustrant des corrélations absurdes. Par exemple, on y apprend que le
nombre de morts par noyade chaque année fluctue en même temps que le
nombre de films mettant en scène Nicolas Cage.
Le biais d’intentionnalité nous porte à croire qu’il y a forcément des intentions, souvent négatives, derrière tout ce qui nous arrive.
Comme l’explique Robert Brotherton, ce biais a aussi son
utilité. « Si vous marchez en bas d’une falaise et qu’une roche vous
tombe dessus, vous allez vous demander pourquoi c’est arrivé », illustre
le chercheur. Selon lui, si l’on présume que c’est un accident, on se
sentira impuissant, tandis que si l’on croit qu’il y a un responsable,
on sera motivé à agir pour empêcher que cette situation ne se
reproduise.
Bien des théories du complot et des fausses nouvelles se
basent justement sur l’idée que l’on nous veut du mal. Par exemple, à
chaque épidémie grave — que ce soit le sida, le Zika ou l’Ebola —
nombreux sont ceux qui croient que la propagation du virus ne serait pas
accidentelle, mais serait plutôt orchestrée dans le but d’éradiquer une
partie de la population.
Hugo Mercier explique ainsi la popularité des théories du
complot pour expliquer l’écrasement des tours jumelles à New York en
2001. « Dans le cas du 11 Septembre, pour certains, c’est dur de
concevoir que les services secrets américains aient pu juste rater ça.
[...] Le fait que ce soit juste de l’incompétence, c’est quelque chose
qui est un peu dur à avaler pour certaines personnes et donc ils se
disent “forcément, ils étaient dans le coup”. »
Les gens ont tendance à attribuer des causes humaines à des événements qui peuvent avoir des causes purement accidentelles.
Le biais de proportionnalité, quant à lui, nous porte à croire que plus un événement est grave, plus sa cause est importante.
Dans une étude (Nouvelle fenêtre),
la chercheuse Robyn Leboeuf de l’Université de Washington a demandé à
des étudiants de déterminer la cause d’une panne informatique. Ceux à
qui on présentait un scénario dans lequel la panne avait des
conséquences sérieuses, comme la perte d’un emploi, étaient plus enclins
à conclure que la panne avait une cause grave, comme un virus
informatique. Dans le scénario où la panne avait peu de conséquences,
les étudiants étaient plus nombreux à présumer qu’elle était due à un
accident, par exemple, à un ventilateur qui cesse de fonctionner.
Notre cerveau a évolué à
détecter des tendances, à trouver des significations, à connecter des
événements qui ne sont pas connectés en apparence, et c’est une des
choses qu’il fait le mieux.
Le biais de conjonction, quant à lui,
nous pousse à déduire que si deux événements importants sont rapprochés
dans le temps, il y a forcément un lien entre les deux. Pour nos
ancêtres, il était salvateur de déduire que si l’on mange une plante
inconnue et que l’on tombe malade peu de temps après, la plante en est
responsable.
L’écrasement de deux avions de la compagnie Malaysia Airlines en 2014 illustre bien le biais de conjonction. En mars, l’appareil du vol MH370 a disparu dans des circonstances inexpliquées. Puis en juillet, l’appareil du vol MH17
a été abattu en survolant l’Ukraine. Il n’en fallait pas plus pour que
des conspirationnistes tracent un lien entre ces deux événements, allant
même jusqu’à affirmer qu’il s’agissait du même avion.
Exemple des Décrypteurs
Dans les premières heures d’une tragédie, nombreux sont
ceux qui tentent d’expliquer l’événement à partir du peu d’informations
qui circulent. L’incendie récent de la cathédrale Notre-Dame de Paris
en est un bon exemple. Certains ont présumé que le président français
aurait provoqué l’incendie pour détourner l’attention de la crise des
gilets jaunes. D’autres ont cru voir la silhouette de l’auteur de
l’incendie au sommet de l’église. Des théories qui sont toutes non
fondées.
8. On surestime l’ampleur de son savoir
Pourquoi croit-on les fausses nouvelles? Parce qu'on surestime l’ampleur de son savoir. Photo : Radio-Canada / Philippe Tardif
Ceux qui croient dur comme fer des informations erronées
sont souvent convaincus d’en savoir suffisamment sur leur sujet pour
avoir raison.
L’effet Dunning-Kruger, du nom des chercheurs qui l’ont étudié, David Dunning et Justin Kruger (Nouvelle fenêtre),
illustre ce phénomène. Ils ont soumis des participants à des tests de
grammaire et de logique, puis ils leur ont demandé d’évaluer leur
performance. Ceux qui ont obtenu les pires résultats aux tests étaient
ceux qui croyaient avoir le mieux réussi!
Des chercheurs de l’Université de Pennsylvanie (Nouvelle fenêtre)
ont observé l’effet Dunning-Kruger chez des adeptes du mouvement
antivaccins. Dans une étude menée auprès de 1310 personnes, plus du
tiers des participants considéraient en savoir plus que les médecins et
que les chercheurs sur les causes de l’autisme. Ceux qui en savaient le
moins sur l’autisme étaient les plus susceptibles de penser qu’ils en
savaient plus que les experts. Ces participants avaient aussi une plus
grande tendance à s’opposer à la vaccination obligatoire.
Les gens ne réalisent pas
l’étendue des études qu’il faut faire pour être médecin ni les
connaissances que la science a accumulées.
Même les plus grands scientifiques peuvent tomber dans ce
piège. Le fait qu’ils soient érudits dans un domaine les amène parfois à
ne plus douter d’eux-mêmes. C’est ce que des chercheurs en psychologie (Nouvelle fenêtre) appellent le dogmatisme acquis.
Par exemple, on a vu ces dernières années le généticien Jim Watson —
lauréat d’un Prix Nobel pour avoir codécouvert la structure de l’ADN —
adhérer à des théories pseudoscientifiques sur la race et
l’intelligence. Le chimiste américain Kary Mullis — également lauréat
d’un Nobel pour ses travaux sur la réaction en chaîne par polymérase —
est quant à lui connu pour ses affirmations climatosceptiques.
Exemple des Décrypteurs
La désinformation autour des vaccins est souvent
alimentée par un manque de connaissances sur le sujet. Par exemple, les
vaccins, comme celui de la rougeole, ont des effets secondaires qui
peuvent être graves dans certains cas. Cependant, ces effets sont
infiniment plus rares que les complications que risquent ceux qui ne
sont pas vaccinés. Cette information est souvent mal comprise par ceux qui craignent les vaccins.
9. On a besoin de faire partie d’un groupe
Pourquoi
croit-on les fausses nouvelles? Parce qu'on a besoin de faire partie
d’un groupe. Photo : Radio-Canada / Philippe Tardif
L’humain est un animal social. La vie en groupe est ce
qui nous a permis de survivre jusqu’à maintenant, et notre cerveau est
prêt à tout pour nous éviter d’être rejetés.
Mais notre biais social nous amène
parfois à être plus crédules face aux fausses nouvelles, surtout celles
qui jouent sur la fibre de l’identité, qu’elle soit reliée au genre, à
l’origine, ou à l’appartenance politique ou religieuse.
Selon Hugo Mercier, cet instinct était bien présent chez
nos ancêtres. Par exemple, une façon pour eux de prouver qu’ils étaient
loyaux à leur groupe était de proférer des choses négatives à l’égard
des groupes rivaux.
Aujourd’hui, cela peut nous pousser à partager des
nouvelles partisanes sans les vérifier. « Typiquement, on va partager
ces fausses nouvelles-là avec des gens qui sont déjà convaincus. Donc,
je pense qu’on les partage plutôt pour marquer notre allégeance à un
groupe », explique Hugo Mercier.
Quelqu’un qui partage des
informations vraiment horribles sur Hillary Clinton aura du mal à se
faire des amis démocrates. Donc, il signale à des républicains qu’en
effet, il est un bon républicain et qu’il ne va pas changer de camp dans
un futur proche.
Le déni des changements climatiques peut aussi s’expliquer par ce biais social. Des études en sociologie (Nouvelle fenêtre)
suggèrent que les Américains ont tendance à s’identifier
personnellement au parti politique pour lequel ils votent et à adopter,
en bloc, les idéologies de ce parti. Ainsi, les républicains seront plus
enclins à être climatosceptiques que les démocrates, non pas parce
qu’ils ne comprennent pas la science du climat, mais parce que cela est
la position de leur groupe.
Par ailleurs, des études démontrent que plus une personne
se sent seule, plus elle sera vulnérable aux fausses nouvelles et aux
théories du complot. Une étude de l’Université de Chicago (Nouvelle fenêtre)
démontre que le sentiment d’isolement peut avoir un effet négatif sur
les facultés cognitives et sur le jugement, et accroître la perception
de menaces.
Une autre étude (Nouvelle fenêtre),
menée à l’Université de Princeton, conclut que l’exclusion sociale rend
plus favorables aux superstitions et aux croyances conspirationnistes.
Les chercheurs ont trouvé que le fait d’adhérer à ces théories permet à
ces gens de donner un sens à leur vie.
10. On a peur du groupe rival
Pourquoi croit-on les fausses nouvelles? Parce qu'on a peur du groupe rival. Photo : Radio-Canada / Philippe Tardif
Notre loyauté envers les membres de notre groupe va de
pair avec notre méfiance envers ceux qui y sont étrangers. Dans les
années 1970, le psychologue Henri Tafjel (Nouvelle fenêtre)
a démontré à quel point il était facile d’attiser ce sentiment. Il a
séparé au hasard un groupe d’adolescents du même âge en deux. Même si
les deux groupes étaient en tous points semblables, les jeunes
ressentaient une appartenance plus forte au groupe auquel ils avaient
été assignés et avaient un comportement discriminatoire envers les
membres de l’autre groupe.
Une histoire très courante
que les humains se racontent depuis des millénaires est que nous sommes
attaqués et que les gens là-bas nous veulent du mal.
« Dans notre histoire évolutionnaire, c’était logique de
penser ainsi, car les étrangers pouvaient nous faire du mal. Ils
pouvaient commettre des crimes et être en compétition avec nous pour les
ressources. Donc, c’était logique de s’en méfier, explique Robert
Brotherton. Mais dans la société moderne, les choses sont plus
complexes. Les gens coopèrent beaucoup plus. Mais nos cerveaux pensent
encore en termes de “nous contre eux”. » Ainsi, bon nombre de fausses
nouvelles appellent à la méfiance envers les étrangers, par exemple, les
migrants ou les réfugiés. Lorsque les préjugés envers l’autre groupe
sont bien enracinés, la véracité de la nouvelle aura peu d’importance
pour celui qui la partage.
D’autres fausses nouvelles et théories du complot jouent
sur la peur d’organisations perçues comme étant toutes-puissantes, par
exemple les gouvernements ou encore les compagnies pharmaceutiques.
Selon Robert Brotherton, de telles histoires circulent depuis les
débuts de l’humanité. « Une histoire très populaire est celle de
l’opprimé, où notre petite communauté de braves héros fait face à un
adversaire beaucoup plus grand et puissant. La morale de l’histoire est
toujours que l’opprimé peut gagner, que nous pouvons vaincre ce pouvoir
si l’on s’unit et que l’on comprend ce qui se passe vraiment. »
Exemple des Décrypteurs
La fausse nouvelle la plus partagée de l’histoire du Québec met en scène le maire de Dorval. Ce dernier aurait supposément tenu tête à des musulmans
qui auraient exigé que l’on retire le porc du menu des cantines
scolaires. De nombreux internautes, lorsqu’ils ont appris que la
nouvelle était fausse, affirmaient que cela ne changeait rien pour eux
puisqu’ils étaient d’accord avec l’idée exprimée dans cette nouvelle.
Peut-on contrer nos biais?
Peut-on
contrer nos biais ? S’exposer à des avis contraires permettrait de
développer son humilité intellectuelle. Photo : Radio-Canada / Philippe
Tardif
Une fois que l’on prend conscience de ces biais cognitifs et des pièges vers lesquels ils nous entraînent, comment s’en défaire?
Ce n’est pas si simple, répond le chercheur en sciences
cognitives Hugo Mercier. « Le problème, c’est que dans la plupart des
cas, ce sont des biais qui sont bénéfiques. Le biais de confirmation,
dans la plupart des situations de la vie quotidienne, c’est très bien de
l’avoir. Les biais qui font qu’on a tendance à se méfier un peu, à voir
s’il n’y a pas des gens qui veulent nous nuire, dans certains cas, ce
n’est pas si mal que ça. »
Robert Brotherton est du même avis. Il explique qu’il y a
eu dans l’histoire récente de véritables complots. Il cite en exemple
l’étude de Tuskegee sur la syphilis, menée entre 1932 et 1972 aux
États-Unis. Durant cette période, les autorités de santé publique ont
fait croire à des centaines d’hommes afro-américains atteints de
syphilis qu’ils recevaient un traitement contre la maladie, alors qu’on
leur donnait en réalité un placebo. Le but de l’étude était de
documenter comment progresse la syphilis lorsqu’elle n’est pas traitée.
Personne ne suggère que
les complots ne se produisent jamais dans le monde et personne ne
suggère que la pensée complotiste est forcément irrationnelle.
Il a toutefois quelques conseils pour départager le vrai
du faux. Selon lui, dans plusieurs théories du complot, les
conspirateurs ont des intentions particulièrement malveillantes, par
exemple, ils veulent éradiquer une partie de la population. Dans la
réalité, ceux qui fomentent des complots le font généralement pour
s’enrichir ou acquérir du prestige, dit-il. Robert Brotherton souligne
aussi que les véritables complots ne restent pas secrets très longtemps.
Quelle est la solution?
Bien que l’on ne puisse jamais échapper complètement à
nos biais cognitifs, il existe des stratégies pour faire face à la
désinformation qui nous entoure.
Il vaut mieux contrôler notre environnement que d’essayer de changer notre psychologie.
Hugo Mercier suggère de s’entourer de gens avec qui on ne
partage pas les mêmes opinions. « Si on a la chance d’avoir des gens
avec qui on peut avoir des discussions de bonne foi, mais qui ne sont
pas d’accord avec nous, il faut en profiter autant que possible. »
Si on pouvait convaincre les gens de réfléchir plus, ils réussiraient mieux.
Gordon Pennycook, quant à lui, considère que la plupart
des gens sont capables de reconnaître des fausses nouvelles s’ils
prennent le temps d’y réfléchir. « On peut par exemple leur rappeler que
l’exactitude est importante et qu’ils devraient uniquement partager des
choses qui sont exactes », explique le chercheur. Il croit aussi qu’il
faut intervenir tôt. « Quand les gens sont à l’école secondaire et
qu’ils forment leur aptitude à raisonner, c’est là qu’ils reçoivent les
outils pour penser de façon critique. »
Robert Brotherton croit, de son côté, que les médias ont
un rôle à jouer, en évitant de donner trop de visibilité aux fausses
nouvelles et aux théories du complot.
Nos cerveaux ont évolué pour utiliser ces raccourcis, et ça ne changera pas beaucoup à court terme.
En comprenant mieux le contexte dans lequel nos biais
cognitifs ont évolué, on pourra ainsi réaliser que le monde dans lequel
on vit n’est plus celui de nos ancêtres préhistoriques.