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vendredi 4 août 2023

Judas, le treizième disciple Un chiffre chargé de signification

 

Judas, le treizième disciple Un chiffre chargé de signification


par José MONTSERRAT TORRENTS, Professeur à l'Université autonome de Barcelone (Espagne).


À plusieurs reprises dans l'Évangile de Judas, Judas est appelé par jésus "le treizième (disciple)". Si la tradition ecclésiastique utilise cette formule de "12+1", elle l'applique à Paul, sans toutefois le nommer "le treizième". Le livre des Actes des Apôtres s'évertue à justifier cette comptabilité, désormais acceptée tant dans la tradition canonique que dans les courants gnostiques'. Or, cette expression revêt dans l'Évangile de Judas une portée symbolique qui constitue, à mon avis, une des principales clés interprétatives de cet étrange document.


La structure conceptuelle de l'Évangile de Judas se développe autour de l'opposition des Douze et de Judas, le "treizième". Les Douze constituent le noyau de l'Église "psychique", tandis que Judas représente la communauté des êtres humains "spirituels". Le passage clé à cet égard est le suivant:

« "Celui qui d'entre vous [les disciples] se considère fort parmi les hommes, qu'il fasse comparaître l'homme parfait et qu'il se tienne devant moi". Et les disciples de dire : "Nous sommes forts". Mais leurs esprits n'osèrent pas se tenir devant lui, à l'exception de Judas Iscariote.

Certes, il put se tenir devant lui, mais il ne put pas le regarder dans les yeux, bien au contraire, il détourna son regard de sa face. Judas lui dit : "Je sais qui tu es et d'où tu viens : tu es venu de l'immortel royaume de Barbèlô, et je ne suis pas digne de prononcer le nom de celui qui t'a envoyé" ». (35,2-21)


UNE INCARNATION DE L'HOMME PARFAIT

Les disciples n'incarnent pas "'homme parfait".

Dès lors, ils n'ont pas le pouvoir de se "tenir devant Jésus. "Se tenir" (copte ohe rat) est un mot technique de la gnose séthienne. L'Apocryphon de Jean désigne par ce terme l'acte essentiel par lequel les dispositions divines qui procèdent de l'Esprit Virginal se constituent en face de lui : Et la notion qu'il a de lui devint acte et apparut, se tenant devant lui (Nag Hammadi Il-1, p. 27,5).

Par opposition aux Douze (ou plutôt, dans ce cas, aux Onze), Judas a le pouvoir de "se tenir" en face de Jésus. Or, ce pouvoir consiste dans la gnose, qui signifie, au sens propre, la connaissance. En effet, judas manifeste tout de suite sa parfaite connaissance de l'essence spirituelle de Jésus : "Tu es venu de l'immortel royaume de Barbèlô" : voilà l'acte de "se tenir", un acte essentiellement spirituel et gnostique. Ce pouvoir, Judas ne l'a pas reçu de Jésus à ce moment-là : il le possède par nature, par le fait de son appartenance à la "génération indomptable" évoquée dans l'Évangile de Judas (53,24), la "grande génération d'Adam" (57,11).


Nota: Dans les textes séthiens (mouvement gnostique apparut vers 70 de notre ère, selon lequel jésus n'est pas le fils du Dieu de l'Ancien Testament, mais de Seth, troisième fils d'Adam et d'Ève), BARBÈLO est la Mère divine de tous et est souvent définie comme la Prescience (connaissance que Dieu a de toute chose) du Père.



LE DISCIPLE BIEN-AIME ?

Judas était-il déjà le disciple bien-aimé ? Certains interprètes ont cru déceler dans les textes évangéliques une certaine préséance de Judas.C'est du moins ce que pensait déjà un auteur manichéen dont l'original, écrit en syriaque, a été préservé en dialecte parthe : "Il (lésus) fit d'Iscariote sa monture, le dévot le plus aimé de ses disciples. Et lui le montra au gardien en l'abordant et livra le fils de l'homme à ses ennemis? " Une fois que Judas a manifesté à Jésus la connaissance de son essence spirituelle, ce dernier amorce la "séparation" du disciple de l'univers démiurgique que représentent les Onze :

"Écarte toi d'eux; je te révélerai les mystères du royaume. Tu peux les saisir, mais tu peux aussi souffrir beaucoup, puisqu'un autre occupera ta place(NDLR.ce sera Mathias , car Judas s'était pendu donc , selon les écritures;mais plus actuel selon Aurobindo, c'est la descente de l'esprit conscient de lui-même dans le corps de l'homme fusionné), afin que les douze [disciples; NDLR.  chiffre symbolique] se complètent devant leur dieu." (35,23 à 36,4)


Ce passage implique un refus catégorique de la tradition canonique selon laquelle Judas se serait suicidé. Réalisant l'annonce prophétique de Jésus, les disciples, après l'ascension de leur maître, procéderont à l'élection d'un substitut de Judas dans le collège des Douze (cf. Actes 1,20-26), mais du vivant même de judas, si l'on en croit l'évangile apocryphe. Les représentants des deux races humaines s'écarteront alors définitivement, sans pourtant se séparer complètement. Les sujets du Démiurge ("leur dieu") provoqueront désormais des malheurs aux pneumatiques (ce qui implique la persistance de certains liens).


Nota: 

Le MANICHÉISME est une religion syncrétique inspirée du zoroastrisme, du bouddhisme et du christianisme, qui la combattirent férocement. Fondée au III s. de notre ère par le Mésopotamien Mani, elle connut une expansion importante, de l'Europe à la Chine. Sa base repose sur deux principes fondamentaux, le royaume de la Lumière (le Bien), auquel s'oppose le royaume des Ténèbres (le Mal). Cf. dossier sur le manichéisme in Religions & Histoire n° 3, juillet-août 2005.


ECCLÉSIOLOGIQUE (du latin ecclesia, lui-même dérivé du grec) : relatif à l'organisation de l'Église.

SOTÉRIOLOGIQUE (du grec sôterion, "salut") : concernant le salut ou y visant.


LES TROIS CATÉGORIES D'HUMAINS DANS LA GNOSE:


Certains mouvements gnostiques distinguaient trois catégories d'humains:

Les HYLIQUES (du grec hyle, " matière"; NDLR. qui en termes supramental ou de physique quantique: n'existe que dans l'illusion du temps , car hors du temps, tout est éternel, y compris la conscience ,dont parlait Aurobindo) représentent la troisième et dernière classe des humains, une classe inférieure qui n'a aucune chance de salut et est donc condamnée(NDLR. A moins de sortir de la matrice, de l'illusion de la forme selon le supramental).

Les PSYCHIQUES (du grec psukhê, "ame") désignent la catégorie intermédiaire des humains, dont les membres ne sont ni sauvés ni condamnés par essence, mais qui doivent faire preuve de volonté et de vertu pour accéder au salut.

Les PNEUMATIQUES (du grec pneuma, "souffle", "esprit" d'où la notion de "spirituel") sont les gnostiques eux-mêmes et représentent la classe supérieure parce que ses membres seront sauvés.




JUDAS DEVIENT LE TREIZIÈME


Une fois que cet acte de séparation aura eu lieu,Judas deviendra "le treizième"« "Pourquoi te préoccupes-tu ainsi, oh treizième esprit (daimon) ?" (...) Judas dit : "Dans ma vision, je vis comme les Douze me lapidaient et me persécutaient." » (44,21 à 45.1)"Tu seras le treizième, et tu seras accusé par le reste des générations, et tu arriveras à les surmonter. Aux derniers jours(NDLR. Parce que Judas a fusionné avec son esprit,selon le supramental d'Aurobindo), ils réprouveront tes ascensions à la sainte génération." (46,19 à 47.1)"[...] ton astre sur le treizième éon." (55,10-11)

L'expression "le treizième" n'a donc pas de sens au moment où a lieu la révélation de Jésus à judas (trois jours avant la Pâque) : Judas appartient alors encore au collège des Douze. Le "treizième" est une expression ecclésiologique qui s'applique à la situation respective des croyants après le départ de jésus.


UNE QUESTION CENTRALE : CELLE DU SALUT

Une fois esquissée le contexte sotériologique et ecclésiologique des acteurs de l'Évangile de Judas, passons à une succincte description du texte en fonction de ces données jésus se manifesta sur la terre et opéra des miracles" (33,7-8) : le Christ pléromatique "(NDLR. synonyme du tout,la source manifesté,selon le supramental de Bernard de Mtl, Sandra Vimont etc...)descendit donc à travers les sept cieux(les 7 chakras d,Aurobindo), en se rendant semblable à leurs fils, et les vida graduellement de leur puissance" (Irénée, Contre les hérésies 1 30,12). Ce Christ acquiert dès lors nature humaine(NDLR. un supramental fusionné selon Aurobindo) : "L'homme qui me revêt" (56,19-20).C'est en vertu de cette descente que Jésus possède le pouvoir démiurgique de faire des miracles.

"Pour le salut de l'humanité" (33,9) : Jésus assume toute l'humanité, tant psychique que pneumatique (cf. Clément d'Alexandrie, Excepta 58).

Mais seuls les psychiques(ceux qui doivent faire preuve de volonté et de vertu pour accéder au salut) ont besoin de rédemption, c'est-à-dire d'être rachetés du Démiurge.

Les pneumatiques(les gnostiques,les spirituels), eux, sont sauvés par nature."Alors l'appel des douze disciples eut lieu." (33,13-15) : la constitution de ce groupe vise au salut des psychiques. Les Douze ont, dans cet éon (représentation personnalisée d'une demeure céleste), un statut ambivalent : ils appartiennent, certes, au Jésus psychique, mais ils sont aussi les sujets du Démiurge, "votre Dieu qui est dans vos cœurs" (34,25-26). Plus encore : dans la perspective de la persécution contre Judas, les douze disciples manifesteront leur appartenance au Démiurge, le dieu de l'Ancien Testament : "Vous êtes ceux qui reçoivent les offrandes de cet autel que vous avez vu. C'est lui le dieu que vous servez, et vous êtes les douze hommes que vous avez vus. Le troupeau que vous avez vu préparé pour le sacrifice représente la foule que vous avez fourvoyée devant cet autel." (39,18 à 40,2)

Le discrédit, même post-pascal, des Douze, dont témoignent les sarcasmes de Paul et les dures remontrances des évangiles canoniques, est repris par la plupart des auteurs gnostiques.Selon ces derniers, les Douze, cependant, finissent par recevoir et comprendre le message de Jésus et deviennent gnostiques. En revanche, la position de l'Évangile de Judas sur ce point est unique et radicale : les Douze appartiennent essentiellement (au sens propre du terme) et définitivement à la sphère démiurgique. Le triage définitif des psychiques justes et injustes (cf. 33,10-13) est différé jusqu'a l'eschatologie personnelle (cf. 43,12-23  et Irénée, Contre les hérésies l  30,14). La séparation éternelle des deux races aura lieu a la fin des temps.


L'ANNONCE DU MYSTÈRE DE LA TRAHISON : UN MOMENT CLÉ

Le début du procès de la séparation de Judas et des Onze a lieu à cause du "mystère de la trahison" : "Toi, tu les dépasseras tous, puisque tu sacrifieras l'homme qui me revêt" (56,17-20).

Après cette annonce, Judas reçoit la perfection de la gnose : "Judas regarda vers le haut, il vit le nuage de lumière et entra en lui" (57,21-23).Cette "entrée" est l'équivalente des "ascensions" mentionnées dans 46,25. Judas devient le chef et le guide de l'Église des pneumatiques : "L'astre qui est le guide (proegoumenos), c'est ton astre"

(57,19-20).


LA POLÉMIQUE ENTRE L'ÉGLISE ET LES GROUPES JUGÉS DÉVIANTS

L'Évangile de Judas est un précieux témoin de la polémique qui, vers la moitié du Il° siècle, opposait l'Église institutionnelle et les conventicules gnostiques. Irénée de Lyon et Justin, entre autres, dénoncèrent la présence de ces déviations doctrinales au sein des communautés, insouciantes, elles, à l'égard de ce qui, pour la plupart des croyants, n'était que des querelles de théologiens.

Dans la bibliothèque de Nag Hammadi, deux traités au moins, Le Témoignage de la vérité et L'interprétation de la Connaissance, sont un reflet de cette situation. Les gnostiques, à la différence des marcionites(disciples qui refusairent le lien entrte le dieu de l'ancien et du nouveau testament) et des montanistes(fut condamné par l'église a cause de ses pratiques ascétiques), ne quittèrent pas la Grande Église pour constituer des communautés "schismatiques". En outre, jamais un concile ne fut convoqué pour parer à ce danger qui, pour beaucoup, n'en était pas un.L'Évangile de Judas reflète bel et bien cette situa-tion. Si, vers la moitié du Il° siècle, le conventicule des gnostiques dénonce la persécution que les "Douze" - c'est-à-dire les ecclésiastiques - ont infligée à Judas, c'est justement parce qu'ils font partie de la communauté chrétienne. La solution aurait été bien facile : quitter l'Église. Mais ils n'y songent nullement. Ils sont les adeptes du "treizième" ; or, il n'y a pas de "treize" s'il n'y a pas de "douze". La sélection se fera d'elle-même, à la fin des temps : "Dieu reconnaîtra les siens" ainsi que furent prudemment mis en garde les croisés qui, au XIII siècle, s'attaquaient pêle-mêle aux catholiques et aux cathares.


NOTES

"Cf. Jean Chrysostome, In Epistolam ad Galatas Commentarius, I

1 : Il est le seul, ils sont plusieurs et ils sont les colonnes de l'Église...

Paul est le dernier de tous les apôtres ; Apocalypsis de Paul, Nag Hammadi V-2, p. 20, 1-5 : Il vit les douze apôtres à sa droite et à sa gauche dans la création. Cf. aussi p. 24,13.

2 L'expression est d'origine paulinienne, cf. Ephes 4,12; Col 1,28

2 Tim 3, 17. Reprise par les gnostiques, cf. Irénée, Contre les hérésies | 29,3 ; Hippolyte, Réfutation V 7,8; 8,5.

3 Ce verbe composite traduit souvent le grec istánai, p. ex. dans Rom 11,20 : C'est la foi qui te fait tenir. Comparer avec la notice d'Hippolyte sur Simon le Mage : Celui qui se tient debout, s'est

tenu debout, se tiendra debout (estóta, stánta, stesómenon)

(Réfutation VI 12,3).

4 Texte parthe dans Mary Boyce, A Reader in Manichaean Middle

Persian and Parthian, Brill, Leiden, 1975, pp. 127-128

Traduction française inédite de Xavier Tremblay.

5-Ascensions (copte kte epshoi) : probable référence aux visions ou révélations extatiques dont le modèle littéraire est le "rapt" (har-pagé) de Paul dans 2 Cor 12,2-4. La deuxième partie de l'ouvrage connu comme l'Ascension d'Isaie porte effectivement sur une psychanodie à travers les sept cieux. Épiphane mentionne une Ascension de Paul gnostique (Panarion 38,2). Certaines "apo-calypses" portent aussi sur des voyages extatiques ("ascen-sions") à travers les cieux ou auprès du trône divin.

6-Dans l'Apocalypse de Jacques, Nag Hammadi V-3, pp. 42-43, les Douze persistent dans leur conduite psychique même au moment de l'assassinat de Jacques, le frère de Jésus. Il est à remarquer que ce traité côtoie l'Évangile de Judas dans le Codex Minya (c'est-à-dire le Codex Tchacos, NDLR).

7-Cette expression ne se trouve pas dans l'Évangile de judas, mais dans Irénée, Contre les hérésies I 31,1 et dans divers textes gnostiques.


Nota: PLEROMATIQUE (du grec plèrôma, "plénitude") : qui réunit tous les êtres supérieurs, les éons; synonyme de Tout,Royaume.  xxxxx


 REF.: Le magasine,Religions et Histoires,numéro 11, 2006.


Nota: Source manifesté , Par Sandra Vimont:

 lexique=  www.supramental.biz/fr/supramental-lexique.xml

Source universelle : Source qui émane de la Source originelle et regroupe les Esprits universels (Père universel) et les Âmes universelles (Mère universelle) sur le plan supramental.


Source originelle : Origine première ou divine de l’être et de toute forme de vie dans notre monde.


Source originelle primordiale : Première source originelle, au début de tous les temps. Synonymes : Soleil blanc yin primordial, Soleil Central primordial, Source Centre première.

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A l'envers c'est a l'endroit ,.........vous vous en appercevrez a un moment donné !