La vie d'un mercenaire Québécois:Raymond Boulanger s'est forgé un nom dans
l'histoire des cartels et de la CIA
La vie abracadabrante d'un pilote d'avion trafiquant de drogue
À 65 ans, Raymond Boulanger est sorti de prison. Ses périples entre la Colombie et le Canada pour transporter de la cocaïne sont connus dans le monde entier.
Raymond Boulanger est un ex-pilote mercenaire qui a travaillé pour la CIA et les cartels colombiens, en plus d'avoir croisé la route de Pablo Escobar. Après 23 ans de prison, il revient sur sa vie hors-norme dans la série documentaire Le dernier vol de Raymond Boulanger, diffusée sur Crave. Stéphan Bureau discute avec lui de cette vie qu'il ne regrette pas.
« On fait ça pour l’aventure plus que d’autre chose. Il y en a qui font ça pour l’argent, mais c’est plutôt rare. »
À la demande de la mafia
Raymond Boulanger était en Belgique quand il a reçu un appel d’un Colombien, lui indiquant qu’un Italien cherchait à le joindre pour lui parler d’une éventuelle importation massive de cocaïne au Canada.
«Ils m’ont dit qu’ils avaient planifié d’entrer par le nord. Je suis venu à Montréal pour rencontrer le mafioso en question [...] Je lui ai expliqué que si je le faisais, on allait le faire à ma manière», se souvient le pilote.
Le plan, qui lui aurait rapporté 50 millions $, estime-t-il, a finalement été mis à exécution, mais ne s’est pas déroulé comme prévu. Personne ne l’attendait à l’atterrissage. «On est restés calmes, mais ça ne tenait pas debout. Je devais décider si je détruisais l’avion, ou si je la ramenais. Mais avec la chaleur que j’ai eue en montant, il n’était pas question de la ramener. L’équipe [de la mafia qui était censée être sur place] a tous les explosifs en main. Une fois qu'ils ont déchargé toute la marchandise, ils brûlent l’avion.»
Boulanger décide donc de téléphoner à l’aéroport de Roberval pour se commander un avion, comme on appelle un taxi. Cette demande a alerté les autorités, et en peu de temps, il était arrêté. Il a été condamné à 23 ans de prison.Quoique hors de prison, l'ancien pilote n'est toutefois pas libre comme l'air. Deux conditions lui sont imposées quant à sa liberté conditionnelle. La première est qu'il devra régulièrement faire état de ses revenus et en deuxième lieu, il devra éviter de fréquenter le milieu criminel.Un ami lui fournira un appartement et il aura un emploi.
Aujourd’hui, même s’il ne montre aucun signe de repentance, le pilote assure qu’il en a eu assez. «Je n’ai plus besoin de rush maintenant. C’est fini.»
Par: Le Point.frSon histoire alimente les plus grands fantasmes et une part d'ombre
entoure ses activités. Raymond Boulanger s'est forgé un nom dans
l'histoire des cartels. Il se fait arrêter en 1992 avec la plus grande
quantité de drogue jamais saisie : 4 323 kilogrammes de cocaïne. Le tout
transporté dans son bimoteur de Colombie
jusqu'au Québec. Condamné à 23 ans de prison, Boulanger se fait la
malle à deux reprises, en 1998 et 2001. À chaque fois, la police ne
réussit à mettre la main sur lui que quelques mois après le début de sa
cavale. Le temps pour lui de filer en Colombie puis au Mexique se refaire une santé.
Libéré la semaine dernière, l'homme désire désormais couler des jours tranquilles. De son propre aveu, quelques millions de dollars lui appartenant seraient bien au chaud dans des paradis fiscaux. De quoi s'assurer une retraite dorée. En 2006, lors d'une demande de libération conditionnelle, Boulanger affirmera "avoir accès à cet argent n'importe où" et n'avoir donc aucun "stress financier" pour l'avenir, rapporte Le Journal de Montréal.
Un cow-boy
Né en 1948, Raymond Boulanger apprend à piloter sur les genoux de son
père. "J'ai grandi sur l'aéroport (de Mont-Joli, dans l'est du Québec),
avec des avions partout. J'ai toujours été fasciné. (...) On était
capable d'identifier un avion juste par le son du moteur", raconte-t-il
au Journal de Québec.
Comme souvent dans ce milieu, Boulanger est un touche-à-tout. Il est
embauché en 1971 en tant que pilote professionnel pour une compagnie de
transport aérien aujourd'hui disparue. Lorsque son entreprise cesse ses
activités en 1974, Boulanger s'installe en Gaspésie avec sa femme et
enchaîne les petits boulots : photographe, hôtelier et divers jobs de
pilote (transport de touristes, technicien, épandage aérien...). En
1992, peu après son arrestation, un ancien collègue se confie à La Presse,
un quotidien canadien : "C'est un cow-boy, ça, c'est sûr ! (...) C'est
pas tous les pilotes qui peuvent atterrir dans un petit champ. Pour lui,
c'était pas un problème. S'il décidait qu'il arrêtait là, il arrêtait."
Ses premières livraisons de drogue remontent à 1973 alors qu'il était pilote à temps partiel. Boulanger partait en avion de Floride, d'où il rejoignait la Colombie et revenait quelques heures plus tard. Les trafiquants ? Des vétérans de la guerre du Vietnam, raconte-t-il au Journal de Québec. Raymond Boulanger affirme même avoir travaillé pour la CIA au milieu des années 80. L'agence américaine avait créé des compagnies aériennes fictives "pour aider les Contras qui tentaient de renverser le gouvernement de Daniel Ortega au Salvador", explique le journaliste Daniel Renaud. Son rôle était alors de "larguer des marchandises" dans les bois et de faire des "vols de reconnaissance" pour repérer les camps. Des faits qui n'ont évidemment jamais été confirmés par voie officielle.
Pour la décriminalisation des drogues
Ces activités lui auraient permis d'entrer en contact avec les
cartels colombiens. Il aurait même côtoyé Pablo Escobar. Raymond
Boulanger forme des pilotes, leur apprend à atterrir dans le noir sur
des pistes improvisées. "On faisait des "drops" sur les îles des
Caraïbes ou en mer. (...) À cette époque, il y avait entre 40 et 50 vols
qui sortaient tous les soirs", raconte-t-il, toujours au Journal de Québec.
L'homme se fait finalement arrêter à Casey au Québec avec plus de 4
tonnes de cocaïne dans l'avion. Il est condamné à 23 ans de prison. Lors
de sa première escapade, en 1998 (il profite d'une libération
conditionnelle), il file droit vers la Colombie, où il connaît de
nouvelles aventures. Il est pris en otage par un groupe marxiste et sera
finalement relâché au bout de deux mois grâce à l'intervention des Farc
avec lesquelles il est en contact depuis de nombreuses années. Les
termes exacts de sa libération (qui a payé la caution ?) restent
troubles. Ce qui alimente encore davantage sa légende.
Début mars, le narco-pilote de 65 ans est sorti de prison, avec l'obligation de faire état de ses revenus financiers. S'il se pose aujourd'hui, c'est probablement en raison de son âge, non des remords : il milite pour la décriminalisation des drogues. Interrogé par des journalistes sur le vol qui lui a coûté 20 ans de sa vie, Raymond Boulanger affirme n'avoir aucun regret et utilise le "nous" en parlant des cartels. Au Journal de Québec, il répond : "Si j'avais 45 ans aujourd'hui, je le referais, mais pas de la même manière. Je me suis fait prendre parce que je n'ai pas contrôlé ce qui se passait ici. J'ai laissé ça entre les mains d'imbéciles."
Ceux qui ont visionné la très bonne docusérie Le dernier vol de Raymond Boulanger, offerte sur Crave et Canal D, savent que la vie de ce Rimouskois, qui a notamment bossé pour des cartels colombiens, est digne d’un film d’aventures. C’est hallucinant, vraiment. En 2013, le collègue Daniel Renaud a consigné les péripéties criminelles de ce personnage flamboyant dans un livre intitulé Raymond Boulanger : Le pilote mercenaire.
Au fil de ses opérations secrètes, Raymond Boulanger a collaboré avec la CIA, transporté des armes, croisé le célèbre narcotrafiquant Pablo Escobar, effectué des missions au Viêtnam et plané au-dessus du désert en Libye. L’ancien pilote de brousse a été arrêté en novembre 1992 à Casey, en Haute-Mauricie, avec 4300 kg de cocaïne dans son avion. La plus grosse saisie de coke de l’histoire du Canada. Le pilote a ensuite passé plus de 20 ans derrière les barreaux.
C’est un véritable roman policier que raconte, en quatre épisodes d’une heure, Le dernier vol de Raymond Boulanger, série documentaire écrite par Sébastien Trudel et Marc-Antoine Audette, deux anciens Justiciers masqués.
La télésérie de fiction sur la vie de Raymond Boulanger sera plus romancée, me dit-on. Il y a quelques années, TVA a envisagé, avec l’aide de la productrice Fabienne Larouche, de transposer au petit écran le parcours atypique du pilote québécois. Le projet n’a jamais été déposé officiellement en raison des coûts exorbitants qu’il engendrait.
Il y a cependant une zone de turbulences qui s’approche. Depuis le début de la pandémie, Raymond Boulanger ne se gêne pas pour afficher ses idées conspirationnistes. Oui, un de plus. Sa page Facebook publique est tapissée de doigts d’honneur aux différents ordres de gouvernement.
Entre autres, Raymond Boulanger traite ceux qui respectent les consignes sanitaires « d’ostie de moutons », il dénigre le travail des médias traditionnels, il qualifie du « comble de la stupidité » les commerces qui utilisent des plexiglas et il estime que Maxime Bernier est le seul politicien à avoir des couilles. Ce florilège de bêtises n’a été puisé que dans les publications faites par Raymond Boulanger en juin 2021.
Je n’ai pas eu le courage de remonter plus loin dans le temps. Le discours « anti-toute » me rend agressif et me transforme en Frugo Dumas, ce qui n’est pas bon pour ma pression.
Les patrons de Bell Média ne doivent pas être enchantés des prises de position de Raymond Boulanger contre le masque, contre les vaccins et, surtout, contre les politiciens. Surtout quand on sait que les gouvernements fédéral et provincial contribuent grandement au financement de séries télé comme celle qui se prépare sur le pilote casse-cou.
En entrevue, Raymond Boulanger, qui souffre d’un cancer du sang incurable (la maladie de Waldenström), assume tout, tout, tout et en rajoute même une couche. À propos des institutions publiques qui pourraient retirer leurs billes, Raymond Boulanger réplique : « Qu’est-ce que tu veux que ça me crisse à moi ? Je connais plein de gens à Hollywood qui seraient prêts à financer la série. »
Pour lui, le virus est une « crisse de cochonnerie » associée au programme Phoenix de la CIA dans les années 70, les dirigeants sont des « crisses de pantins » et des « trous de cul », tandis que les vrais complotistes sont les membres du G7.
C’est ici que je pousserais un gag facile de « y a-t-il un pilote dans l’avion ? », mais comme Raymond Boulanger a perdu sa licence à la suite de son lymphome il y a trois ans, ça ne fonctionne pas. Chose certaine, ça ne vole pas très haut. Tout juste au-dessus d’un nid de coucou.