Volez
500 $ ici et là. Répétez des centaines de fois pendant huit ans. Vous
obtenez un magot de 300 000 $ ni vu ni connu. C’est la minutieuse fraude
qu’a réalisée une conseillère financière d’expérience d’une caisse
Desjardins de Montréal dans les années 2000. Danielle Cartier a été
condamnée hier à une peine « très clémente » de 15 mois de prison à
domicile.
« Vous vous en
sortez très bien, Madame. Je ne peux me retenir de vous dire que vous
vous en sortez bien », a répété le juge Jean-Jacques Gagné hier en
entérinant la peine proposée par les parties. « Elle a perdu ses amis et
elle a été reniée par sa famille », a souligné son avocat, M
e Daniel Champagne.
La
Repentignoise de 62 ans s’est avouée coupable hier d’avoir fraudé la
Caisse d’économie des travailleurs du secteur Industriel et Assurances
Desjardins, entre janvier 2001 et février 2009, et d’avoir fait de
fausses inscriptions aux « comptes grands-livres » au cours de cette
période.
La conseillère financière, qui avait 30 ans d’ancienneté
chez Desjardins, a transféré 309 542 $ des fonds de l’établissement dans
son compte personnel en quelque 700 versements bancaires non autorisés
étalés sur huit ans.
« Elle camouflait les actes aux grands-livres – le livre comptable informatisé – avec de fausses écritures. »
— M
e Nicolas Ammerlaan, procureur de la Couronne
Même
si elle dérobait environ 40 000 $ par année, Danielle Cartier n’a
jamais attiré l’attention de ses supérieurs, jusqu’à ce qu’elle soit
pincée lors d’une vérification aléatoire. L’accusée camouflait ses
virements en pénalités hypothécaires et en frais de notaires. Elle a été
congédiée sur-le-champ.
« Justifier l’injustifiable »
Danielle
Cartier s’est défendue hier d’avoir bénéficié personnellement des
300 000 $ fraudés. « J’avais des impôts à payer, ma fille était dans des
troubles et ma mère aussi », a-t-elle déclaré. « C’est ce que je
disais, elle a amélioré son niveau de vie », a répliqué le juge Gagné.
Chaque
année, Danielle Cartier s’est approprié « de plus en plus d’argent »,
jusqu’à 57 000 $ en 2008, indique une décision du comité de discipline
de la Chambre de la sécurité financière en 2011.
« C’était facile, je prenais 500 $ dans le compte. »
— Danielle Cartier, devant le comité en 2011
Cinq
mille dollars d’impôts non payés, une voiture pour son fils et sa
fille, 19 000 $ pour aider sa mère victime d’un incendie : ses excuses
ont été balayées d’un revers de main par le comité de discipline de la
Chambre de la sécurité financière. « [M
me Cartier]
a tenté de justifier l’injustifiable », a conclu le comité en la
radiant à vie. De plus, souligne le comité, elle s’est approprié
« beaucoup plus que ce qu’elle dit avoir dépensé pour ses enfants et sa
mère ».
Dix ans avant des accusations
« Dévoilement
en 2009, judiciarisation en 2019 ? », s’est questionné le juge, étonné
par les importants délais préinculpatoires de la cause. Le procureur de
la Couronne a d’ailleurs peiné à expliquer pourquoi l’accusation n’a été
déposée qu’en janvier 2019, alors que l’enquête policière s’est conclue
vers 2014. « Il y a eu des départs à la retraite, des nominations à la
magistrature », a mentionné le procureur.
Cette peine
d’emprisonnement de 15 mois avec sursis à purger dans la collectivité
n’aurait d’ailleurs pas pu être imposée si les crimes avaient été commis
récemment, puisque la loi a changé depuis 2009. Autrement, le risque
que Danielle Cartier écope d’une peine de plus de deux ans de
pénitencier était réel, a indiqué le juge.
L’accusée devra rester
chez elle en tout temps, sauf pour aller travailler et pour d’autres
exceptions standard. Elle s’est également engagée à rembourser 1300 $
par mois à Desjardins Assurances pendant 13 ans. Notons qu’elle a déjà
remboursé des dizaines de milliers de dollars depuis 10 ans.
Le
Mouvement Desjardins assure que des mesures ont été déployées depuis
pour qu’un tel stratagème ne se reproduise pas, sans toutefois préciser
lesquelles, par souci de sécurité. « Aucun membre n’a été visé ou n’a
subi de perte financière », a précisé le porte-parole Jean-Benoît
Turcotti.
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