Montréalais, votre compte de taxes foncières grimpe chaque année. Dans la métropole aux 103 élus, on taxe maintenant via les parcomètres, les stationnements, l’essence, l’eau, la voirie, les voitures. Vous essayez de fuir en métro ou en autobus? On va vous chercher avec votre carte mensuelle (la CAM), dont le prix augmente pas mal plus vite que l’inflation.
Mais n’ayez crainte, votre argent est bien dépensé. La preuve : le nombre d’employés de la Ville qui gagne 100 000 $ et plus a triplé entre 2009 et 2010, rapportait la chaîne Global il y a deux semaines. Quelque 1700 employés — surtout des cadres supérieurs — font maintenant partie du club des 100 000 $ et plus. Ils étaient 626 un an plus tôt. Grâce à vous, ces gens peuvent éviter la récession et se payer une belle vie. On appelle ça la solidarité. C’est ce qui nous distingue des capitalistes sans-cœur.
Si vous pensez que notre générosité se bute aux limites de Montréal, c’est mal connaître les Québécois. Cette semaine, on apprend que dans les tours à bureaux, à Québec, 2795 fonctionnaires gagnent 100 000 $ et plus. C’est plus du double qu’en 2005! Et six fois plus qu’en 2001, selon La Presse.
On est tricotés serrés au Québec. Tu crains de ne pas pouvoir emmener tes enfants à Cuba cet hiver, pendant tes cinq semaines de vacances? Pas de problème. Je vais payer 1 % de plus de TVQ cette année, pour que tu puisses y aller. Non, je te jure. Ça me fait plaisir.
Ce n’est rien, ça. On ignore les chiffres des organismes et sociétés d’État. Comme Radio-Canada, Hydro, la SAQ ou la société de transport de Montréal (STM). Ces hauts lieux où priment la rigueur budgétaire, et une quête inlassable d’efficacité. Mais en contribuables débordant de compassion que nous sommes, j’ai confiance qu’on s’est assuré de ne laisser personne y crever de faim. Ou pire, d’avoir à manger trop souvent des sandwichs le midi.
En lisant ces nouvelles, un ami m’a dit : « Ça n’a pas d’allure. On dit aux gens de se serrer la ceinture parce que c’est la récession, pendant qu’on fait vivre des pachas avec leurs impôts! » Sa réflexion m’a fait douter pendant un moment. Mais j’ai écouté les divers porte-parole nous livrer des justifications supplémentaires, et ils m’ont rassuré.
« Ce n’est pas que le nombre de cadres au gouvernement a augmenté », a dit la porte-parole du Conseil du Trésor. C’est parce qu’un groupe important, les « cadres 3 », était tout près du seuil de 100 000 $ au début de la décennie. C’est une progression normale dans les échelons salariaux.
Ah, ok.
À Montréal, un porte-parole a dit qu’il faut bien payer les employés, parce que la Ville est en concurrence avec le privé.
Bien sûr. Comment ai-je pu oublier ça?
À un journaliste de Global qui voulait savoir ce que le maire Tremblay en pense, un porte-parole des ressources humaines a répondu : « pourquoi vous faites une nouvelle avec ça? Les employés de la Ville sont censés travailler gratuitement? »
Voilà. Dans les dents. Circulez, contribuables. Ya rien à voir.