Les médias de Quebecor ont
étalé jour après jour, pendant des semaines, au printemps 2010, des
dizaines d’exemples de dilapidation révoltante de fonds publics dans
l’appareil gouvernemental québécois, sous le titre « Le Québec dans le
rouge ».
Nous en avions trouvé pour des centaines de millions de dollars.
Les animateurs Sylvain Bouchard et Gilles Parent, du FM 93 de Québec,
ont parallèlement mobilisé alors quelque 50 000 personnes qui ont
manifesté autour de l’édifice de l’Assemblée nationale, dégoûtées des
dépenses frivoles de leurs impôts et taxes. Ce fut une manifestation
citoyenne inédite de ceux qui appartiennent à la fameuse majorité
silencieuse.
Les ministres qui étaient directement concernés n’ont eu d’autre
choix que d’assurer, la main sur le cœur, que la récréation était finie
et que des directives sévères seraient données pour que les dépenses
inacceptables cessent sur-le-champ. Nous avons tous naïvement cru que le
message avait été entendu et que les choses changeraient.
Des fournisseurs de biens ou services racontent qu’une petite retenue
a été observée dans les semaines qui ont suivi. Les activités de
formation, par exemple, qui camouflent souvent des gaspillages farfelus,
ont été réduites et mieux sélectionnées. Plus de réunions ont aussi été
tenues dans les locaux des ministères plutôt que dans de chics auberges
aux tables réputées autour de Québec et de Montréal. Mais pendant
quelques semaines seulement et pour de petites dépenses marginales. Le
temps de laisser retomber la poussière.
Autorité défiée
Une culture de la dilapidation ne se renverse pas aussi facilement,
tout simplement parce que ceux qui en profitent ne veulent pas
abandonner leurs privilèges. Les dirigeants des commissions scolaires
nous l’ont bien démontré au cours des deux dernières années.
Ils ridiculisent du même coup à la face de tout le Québec la ministre
de l’Éducation, Line Beauchamp, tout comme les dirigeants des
universités ont continué de le faire après ses appels à plus de retenue.
L’autorité des ministres du gouvernement Charest, qui est en fin de
régime ou qui au mieux ne peut qu’espérer actuellement pouvoir former un
gouvernement minoritaire au lendemain d’élections, est de plus en plus
fréquemment défiée. Ceux-ci peuvent toujours monter le ton sur les
tribunes publiques, la machine administrative n’y porte même pas
attention parce qu’ils n’ont jamais sévi à l’endroit des responsables
d’un gaspillage.
Les ministres ont préféré acheter la paix avec la haute fonction
publique et les directions des sociétés d’État, en ne sanctionnant pas
des administrateurs laxistes, plutôt que de miser sur la rentabilité
électorale d’une surveillance plus scrupuleuse des dépenses non
justifiables.
Les ministres qui auraient publié des listes de dépenses de ce type
qu’ils auraient bloquées ou dont ils auraient a posteriori exigé le
remboursement, seraient aujourd’hui les héros des payeurs d’impôt et de
taxes. Ils sont au contraire considérés comme des complices, en raison
de leur inaction.
REF.:
Jean-Jacques Samson