Eteindre l’électricité chez son voisin, envoyer des faux rapports de consommation, provoquer une panne générale… Certains compteurs intelligents sont facilement piratables, comme viennent de le montrer deux chercheurs en sécurité.
La belle promesse des « smarts
cities » - ou villes intelligentes - ne serait-elle qu’une illusion? A
l’occasion de la conférence Black Hat Europe 2014, deux hackers
espagnols ont montré que l’interconnexion des infrastructures urbaines
cachent aussi d’énormes risques. Javier Vazquez Vidal et Alberto Garcia
Illera ont, en effet, décortiqué l’un des nombreux compteurs électriques
intelligents déployés dans leur pays natal, histoire de voir son niveau
de sécurité. A première vue, l’engin semble solide. Les communications
entrantes et sortantes sont toutes chiffrées en AES 128 bits. Et quand
on essaye de regarder sous le capot, un dispositif de protection le
bloque automatiquement, nécessitant l’intervention d’un technicien. Donc
tout va bien ?
Grosse erreur ! Les deux compères se
sont plongés dans les entrailles électroniques de l’appareil pendant
plusieurs mois et ont analysé son fonctionnement par rétro-ingénierie.
Ce qu’ils ont découvert n’est pas très glorieux. Ainsi, le mode bloqué
peut être contourné sans grande difficulté, car il est possible de
modifier directement certaines parties du firmware. La clé de
chiffrement AES est stockée dans le processeur et peut être lue au
moment de la mise en route. Et en plus, il s’avère que cette clé est la
même pour tous les appareils !
Mais ce n’est pas
tout. Une fois que l’on a le contrôle d’un appareil, il est possible de
détourner ses fonctionnalités. Par exemple: envoyer des faux rapports de
consommation pour diminuer sa note d’électricité. Comme les compteurs
fonctionnent en réseau, on peut également couper l’électricité chez son
voisin. Il suffit d’envoyer la bonne commande. Autre possibilité: faire
passer son compteur pour celui de quelqu’un d’autres en changeant
l’identifiant (spoofing).
On peut aussi rajouter des
fonctionnalités, en modifiant le firmware, ou simplement siphonner les
données des autres compteurs pour se constituer une petite base de
données. Ca peut toujours servir. « Théoriquement, on peut même
imaginer la création d’un ver qui infecte les compteurs de proche en
proche puis génère un black-out général dans une quartier ou une ville », souligne Javier Vidal. On est plus très loin du scénario catastrophe.
Les deux hackers ont
pris contact, de manière indirecte, avec le fabricant du compteur
intelligent, pour l’informer des vulnérabilités trouvés. Pour l’instant,
il n’y a que peu de réaction. Compte tenu de la très mauvaise
conception de l’appareil, ils estiment que le tir ne sera pas facile à
corriger. MM. Vidal et Illera n’ont pas révélé le nom du fabricant,
mais, d'après les images montrées, il est très probable que le modèle
ausculté est celui de la société Meters And More, qui fournit les
compteurs intelligents d’Endesa. Espérons qu’EDF aura fait un meilleur
choix avec Linky, le compteur communicant qui devrait équiper tous les foyers français d’ici 2021.