WikiLeaks
Les gardiens racontent comment Manning a craqué
FORT MEADE - Deux anciens gardiens de la prison militaire où était
incarcéré le soldat Bradley Manning dans des conditions ultrasévères ont
raconté samedi comment le détenu s'était écroulé en pleurs, au
lendemain d'une manifestation de soutien devant l'établissement.
Joshua Tankersly et Jonathan Cline, interrogés par téléphone depuis
la base militaire de Fort-Meade où Bradley Manning comparaîssait au 5e
jour d'une audience préliminaire, étaient chargés d'escorter le détenu
le 18 janvier 2011 jusqu'à la salle de sport de la base de Quantico en
Virginie.
Le soldat Manning de 24 ans encourt la prison à perpétuité pour avoir
transmis à WikiLeaks, entre novembre 2009 et mai 2010, des documents
militaires américains sur les guerres en Irak et en Afghanistan, et 260
000 dépêches du département d'Etat, déclenchant une tempête dans la
diplomatie mondiale.
La veille de ce 18 juillet 2011, des dizaines de manifestants avaient
bloqué pendant plusieurs heures un des accès de la base, qui abritait
la prison, pour protester contre les conditions de détention de Manning
que le rapporteur de l'ONU sur la torture a jugé "inhumaines et
dégradantes".
«On a demandé au détenu d'écarter les jambes pendant qu'on lui
mettait les menottes aux mains, puis de se tourner pour qu'on l'attache
aux jambes puis de s'agenouiller pendant qu'on lui mettait une ceinture»
à la taille, a raconté au tribunal M. Cline.
«Quand on lui a mis ses menottes, il n'a pas répondu de manière
correcte», a raconté M. Tankersly, «on est supposé répondre en utilisant
les rangs militaires». Il a précisé qu'un autre gardien devait tenir le
détenu à la taille, pour «l'empêcher de tomber» car il était
«complètement attaché aux mains et aux jambes».
Tankersly lui a dit: «arrête de bouger». Et dans la salle de sport,
«pendant qu'on lui enlevait ses attaches, il a recommencé à bouger», a
raconté M. Cline, «il est tombé sur les fesses, on a essayé de le
rattraper mais il est allé se cacher derrière une machine à exercices et
il a commencé à pleurer».
William Fuller, autre gardien qui supervisait les deux premiers, a
lui aussi témoigné de ce qu'il a vulorsqu'il est arrivé plus tard sur
les lieux.
«Il tremblait, il avait l'air apeuré, il avait du mal à respirer,
comme s'il paniquait», a -t-il expliqué. «Il n'arrêtait pas de s'excuser
mais ne disait pas pourquoi il était désolé, je pense qu'il en voulait
au personnel», a-t-il ajouté.
Aucun des deux gardiens ne s'est rappelé si Manning avait été
«traité» différemment ce jour-là, au lendemain de la manifestation.
M. Clide a admis que le personnel de la prison «était énervé car les
(protestataires) étaient proches de la base", devant "la porte
principale que le personnel empruntait pour rentrer chez lui».
Après cet incident, la commission de discipline de la prison a refusé
d'assouplir le régime de surveillance maximale réservé aux détenus
suicidaires auquel était soumis Bradley Manning, contre les
recommandations des psychiatres.
William Fuller, qui siégeait dans cette commission, avait recommandé
le maintien du même statut, sans avoir vu les psychiatres, considérant
le détenu comme «suicidaire» parce qu'il «ne communiquait pas avec» lui.
«Ce n'était pas une punition, c'était pour le protéger», a-t-il dit.
«Vous vouliez qu'il soit vivant pour son procès en Cour martiale?», lui a
demandé l'avocat.
Les deux gardiens ont reconnu que Manning avait toujours été
«respectueux» et «obéissant», à l'exception de l'incident du 18 juillet,
et n'avaient jamais tenté de s'enfuir, ni d'agresser quelqu'un, ni de
se faire du mal.
M. Tankersly a admis que Manning n'avait droit qu'à «20 minutes de
lumière du jour», et que s'il les utilisait, ces minutes étaient
déduites de son heure d'exercice en salle par jour, sa seule possibilité
de sortir de sa cellule.
Au cours de cette audience, la défense s'est attachée à montrer que
les conditions d'emprisonnement de Manning pendant neuf mois à Quantico
constituent une «punition illégale préventive», proscrite par le code
militaire, pour réclamer l'abandon de toutes les charges.
Le procès du soldat Manning doit commencer le 4 février.
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