Fiducies familiales
Les Bronfman veulent modifier leurs fiducies |
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MONTRÉAL – Le clan Bronfman souhaite redistribuer le patrimoine détenu par plusieurs de ses fiducies familiales. Des membres de la célèbre famille ont déposé un projet de loi privé, jeudi à l’Assemblée nationale, pour que Québec les autorise à transmettre la fortune familiale à de nouveaux descendants.
Les actifs d’une dizaine de fiducies sont concernés par la requête de la famille Bronfman. Il s’agit de fiducies, créées en 1942 par le Montréalais Samuel Bronfman, alors patron de Seagram.
L’homme d’affaires dirigeait à une certaine époque l’une des plus importantes distilleries de la planète, avec un portefeuille de 250 produits, dont Crown Royal. Il avait créé des fiducies aux bénéfices de ses enfants, Edgar Miles, Charles et Phyllis, aujourd’hui connue sous le nom de Phyllis Lambert. Son objectif était, entre autres, d’assurer la pérennité du capital.
« Dans les années 1940, les gens fortunés créaient des fiducies familiales qui étaient, en quelque sorte, éternelles. Elles ne payaient jamais d’impôt sur le gain en capital. Aujourd’hui, c’est impossible! Les fiducies sont imposées sur ces gains tous les 21 ans », a expliqué la fiscaliste Brigitte Alepin.
Mme Alepin a précisé que les anciennes fiducies ont conservé leurs privilèges en raison de clauses « grand-père ». La fiscaliste croit que la famille Bronfman pourrait jouir de tels avantages.
Les fiducies d’Edgar Miles Bronfman et de Phyllis Lambert ont été, dans les décennies subséquentes, divisées en plusieurs fiducies, aux bénéfices des enfants d’Edgar Miles, notamment. Les bénéficiaires de ces fiducies sont Edgar jr, Holly, Matthew, Adam, Sara et Clare.
Edgar senior, aujourd’hui âgé de 82 ans, est en charge des fiducies en question. Il souhaite que le gouvernement du Québec adopte une loi pour lui permettre de partager les actifs des fiducies entre un ou plusieurs de ses enfants, petits-enfants ou autres descendants plus éloignés.
Un juriste montréalais, qui préfère conserver son anonymat, a expliqué à Argent que seulement deux générations de descendants (Edgar Miles et ses enfants, par exemple) peuvent bénéficier de l’argent généré par une fiducie.
Selon l’expert consulté, de nouvelles fiducies doivent être créées pour que les petits-enfants d’Edgar Miles Bronfman jouissent, le moment venu, d’un capital important protégé par une fiducie. Le cas échéant, les fiducies devraient être dissoutes et leur capital versé au dernier bénéficiaire.
Le projet de loi a été présenté par le député de D'Arcy-McGee, Lawrence S. Bergman. Argent a contacté le politicien à quelques reprises mais M. Bergman n’a pas retourné les appels.
La famille Bronfman a été conseillée par la firme Davies Ward Phillips & Vineberg dans la présentation de son projet de loi.
Des milliards de dollars
Il n’est pas possible d’établir la valeur des actifs détenus par les fiducies Bronfman. Mais la fortune des tous les clans de la famille est estimée à plusieurs milliards de dollars.
Un exemple. Charles Bronfman, le frère d’Edgar Miles et le père du patron de Claridge, Stephen Bronfman, est le cinquième homme le plus riche du Canada, selon le magazine Forbes. Sa fortune est évaluée à 2,2 milliards $ US. Leur fortune provient, en grande partie, de l’empire Seagram, la distillerie développée par Samuel Bronfman. En 1965, le chiffre d’affaires de Seagram dépassait le milliard de dollars avec des ventes réalisées dans 119 pays. Les principales marques de Seagram étaient Chivas Regal, Crown Royal, Armagnac JANNEAU, VO whiskeys, le rhum Captain Morgan et les jus de fruits Tropicana. La famille a également investi dans l’immobilier puisque les Bronfman ont possédé Cadillac Fairview pendant plusieurs décennies.
Dans les années 1980, ils ont acquis près de 25 % du capital du géant DuPont avant de revendre leurs parts 9 milliards $, en 1995, pour investir dans le divertissement.
Notamment dans Time Warner, Universal Studios, MCA, et PolyGram. Warner a été revendu 1,3 milliard $ il y a quelques semaines.
Avantage pour les riches
Transférer de l’argent dans une fiducie peut procurer de nombreux avantages aux gens, surtout fortunés, qui optent pour cette mesure fiscale.
Dans un premier temps, une fiducie permet d’assurer la pérennité du capital amassé au fil des ans. Il s’agit d’un outil de choix pour transmettre de l’argent à des héritiers trop jeunes ou trop frivoles pour administrer leurs biens.
Les fiducies permettent également de faire du fractionnement de revenus au sein d’une famille. Un homme d’affaires peut recourir à cette formule et partager ses revenus avec sa femme et ses enfants pour éviter d’être le seul contribuable imposé sur ces revenus. Ultimement, le montant d’impôt payé devrait être inférieur.
Les fiducies permettent d’éviter de payer de l’impôt sur un gain en capital important au moment du décès d’un individu fortuné. Le même gain ne sera pas imposé si l’actif se trouve dans une fiducie, car une fiducie ne meurt jamais.
Contrairement à la croyance populaire, les fiducies doivent payer de l’impôt sur leurs gains. Elles sont imposées tous les 21 ans sur leurs gains en capital selon la réglementation fiscale.
Une fiducie peut être constituée pour quelques milliers de dollars seulement, mais la facture est plus salée pour les fiducies complexes des grandes familles riches. Ces dernières emploient des notaires, des avocats et des fiscalistes de très haut niveau, qui affichent des taux horaires élevés.