Prism : surveillance sans limite ? Non, affirme un cryptanalyste de la NSA
Tribune : La NSA a-t-elle violé la loi et surveille-t-elle massivement les communications ? ZDNet publie en exclusivité la tribune de Roger Barkan, un spécialiste du chiffrement employé par la NSA depuis plus de 10 ans.
ZDNet.com a recueilli en exclusivité l’avis d’un mathématicien américain, Roger Barkan, employé comme cryptanalyste par la NSA depuis 2002. Les vues et opinions exprimées dans cet avis sont celles de l'auteur et ne reflètent pas nécessairement celles de la NSA.
« De nombreuses voix – aussi bien au sein de la Maison Blanche qu’à mon café du coin – ont pris position sur les programmes de surveillance de la NSA récemment dévoilés par la presse.
Comme quelqu'un en profondeur dans les tranchées de la NSA, où je travaille au quotidien avec des données acquises au travers de ces programmes, moi aussi je me sens obligé de faire entendre ma voix. En tant qu’Américain, suis-je inquiet du fait que la NSA puisse illégalement et subrepticement cibler ou suivre les communications d’autres Américains ?
La réponse est sans équivoque : non.
La NSA produit du renseignement extérieur au profit et pour la défense de notre nation. Les analystes ne sont pas libres de se promener à travers l'ensemble des données recueillies par la NSA, et bon gré mal gré, de fouiner dans les communications comme bon leur plait. Au contraire, l’activité des analystes est soigneusement surveillée, enregistrée et examinée afin de s'assurer que chaque utilisation de données répond à un objectif légitime de renseignement extérieur.
Nous ne vous surveillons pas. C'est nous qui le sommes.
En outre, les systèmes de la NSA sont construits avec plusieurs couches de contrôle et de redondance pour garantir que les données ne sont pas accessibles par les analystes en dehors des canaux agréés et supervisés. En cas d’erreur, même de la part du plus mineur des analystes, celle-ci est immédiatement et rigoureusement signalée en interne, puis aux superviseurs extérieurs de la NSA. Compte tenu des montagnes de paperasse que le processus de signalement d'incident entraîne, vous pouvez être assuré que ceux d'entre nous qui conçoivent et exploitent ces systèmes sont extrêmement motivés pour faire en sorte que des erreurs se produisent le plus rarement possible !
Un mythe qui me déconcerte vraiment, c’est l’idée selon laquelle la NSA pourrait ou voudrait perdre du temps à surveiller les communications des Américains ordinaires. Même si une telle surveillance n’était pas illégale et très dangereuse à réaliser au sein de nos systèmes, et compte tenu de la supervision de nos activités, cela ne ferait en aucune façon progresser notre mission. Nous avons déjà bien assez à faire pour pister les individus projetant activement de porter atteinte aux citoyens américains et à nos intérêts pour ne pas même envisager de consacrer du temps à la lecture des recettes de cuisine que vous envoie votre mère par email.
Il n’y a pas de doute à ce sujet. Nous vivons tous dans un nouveau monde du Big Data.
Le débat public s’est jusqu’à présent focalisé sur le volume de données auquel la NSA a accès, ce qui selon moi n’est pas le point essentiel. Dans la société numérique d’aujourd’hui, le génie du Big Data est sorti de la lampe. Chaque jour, toujours plus de données personnelles sont disponibles pour les individus, les entreprises et les gouvernements. Ce qui importe, ce sont les règles qui gouvernent la façon dont la NSA utilise ces données, et les multiples efforts de contrôle et de conformité qui nous maintiennent en conformité avec ces règles.
Je n'ai pas seulement vu, mais aussi expérimenté directement, au jour le jour, que ces règles et les pratiques en matière de supervision et de conformité sont strictes. Et cela travaille à protéger les droits de tous les Américains à la vie privée.
Comme le président Obama, mon commandant en chef, je me réjouis de la vigilance accrue du public quant aux activités de renseignement de la NSA. Le président a dit que nous pouvons et irons plus loin en matière de transparence sur les principes de fonctionnement de la NSA et les méthodologies de surveillance. J'ai toute confiance que lorsque cela sera fait, le peuple américain verra ce que j'ai constaté : que la NSA effectue son travail avec un respect absolu des règles - les lois, les décrets et les ordonnances judiciaires dans le cadre desquels nous opérons.
Alors que ce dialogue national se poursuit, je fais appel au peuple américain pour parvenir à un consensus sur le périmètre souhaité des activités US de renseignement. S'il était établi que les règles devaient être modifiées ou mises à jour, nous saurions à la NSA nous y adapter fidèlement et efficacement. Mes collègues de la NSA et moi sommes prêts à continuer de défendre cette nation en utilisant uniquement les outils que nous sommes autorisés à utiliser et les moyens spécifiques que nous sommes autorisés à utiliser. Nous ne voudrions pas qu'il en soit autrement.
Nous n’oublions jamais que nous aussi, nous sommes Américains. »