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Le Québec s'endort lentement, mais sûrement. Il aura besoin d'une deuxième révolution tranquille, d'une refonte du concept d'État-Providence, s'il ne veut pas laisser un héritage pitoyable aux plus jeunes générations.
C'est du moins la conviction de Louis Charbonneau, ce comptable à la retraite qui a servi un véritable électrochoc, cette semaine, avec son analyse dévastatrice du dernier budget provincial.
M. Charbonneau en a surtout contre le fait que le ministre des Finances du Québec, Claude Bachand, ait tenté de faire passer la pilule des nouvelles hausses de taxes (essence, TVQ, électricité, santé) en affirmant que l'État ferait 62 % de l'effort pour combler le déficit de la province.
M. Charbonneau n'y croit pas. Il pense que ce sont les contribuables qui feront la majorité de l'effort et, donc, qu'on ne leur a pas dit la vérité.
Le ministre des Finances ne s'est pas gêné pour le traiter d'amateur, pour mettre en doute ses conclusions et pour rappeler qu'il n'est plus comptable agréé.
«Ça ne me dérange pas d'être critiqué. J'ai toujours dit ce que je pensais, même à mes clients qui n'étaient pas contents des rapports que je leur remettais», raconte ce comptable de 67 ans, diplômé des HEC. En 45 ans de carrière, il a été tour à tour consultant en systèmes de gestion, comptable agréé et homme d'affaires.
Un comptable qui prend des risques
M. Charbonneau n'a jamais eu peur du risque et il n'a jamais eu la langue dans sa poche, ce qui, en convient-il, n'est pas le profil traditionnel d'un comptable agréé.
Il a travaillé pour plusieurs grandes entreprises et fondé quatre PME, dont deux qui vont bien aujourd'hui et deux qui ont fini par faire faillite.
«J'ai connu de beaux succès et des échecs, je n'ai pas peur de le dire. J'aimerais bien que les politiciens admettent eux aussi leurs erreurs, mais je constate que ça semble difficile pour eux...»
Le courage de dire la vérité
Ce fils de cultivateur, qui a eu sept enfants, se dit surtout inquiet pour les jeunes qui vont hériter des décisions qui sont prises -ou qui ne sont pas prises -en ce moment.
«Ce que je déplore le plus, dit-il, ce sont les politiciens qui ne nous disent pas toute la vérité. Je trouve ça surtout grave pour les jeunes à qui on devrait avoir le courage de dire ce qui les attend.»
Il s'inquiète non seulement du niveau de la dette et de la taille de l'appareil gouvernemental, mais aussi de la santé de la Régie des rentes du Québec et de leur caisse de retraite.
Maniaque des chiffres
Les contribuables devraient faire comme lui, dit-il, et s'intéresser aux finances publiques et à la politique.
«Je n'ai pas toujours été un bon exemple moi-même, dit-il, car je suis devenu tellement désillusionné au fil du temps que j'ai fini par ne plus aller voter. Il ne faut pas faire ça.»
M. Charbonneau s'implique maintenant au parti conservateur, au fédéral, et de plus en plus à l'ADQ du côté provincial.
«Les Québécois se laissent gouverner les yeux fermés depuis trop longtemps, dit-il. Il faut des chiens de garde.»
Il invite d'ailleurs d'autres retraités comme lui à mettre en commun leurs connaissances, leur expérience et surtout leur temps pour jouer ce rôle de chien de garde pour les générations futures.