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dimanche 2 avril 2017

La schizophrénie dans le Grand Nord canadien


Dre Marie-Ève Cotton : une psychiatre amoureuse du Grand Nord

Il est très délicat pour les psychiatres de traiter des patients issus de cultures étrangères. Car les troubles mentaux peuvent être très difficiles à dissocier du contexte social et des références culturelles. C’est pourquoi certains psychiatres se spécialisent dans une branche qu’on appelle l’ethnopsychiatrie. C’est le choix qu’a fait Marie-Ève Cotton, qui depuis 12 ans maintenant, partage sa vie entre Montréal et le Grand Nord canadien.
Le choix de l’ethnopsychiatrie
Originaire de la Gaspésie, Marie-Ève Cotton a baigné très tôt dans l’univers de la santé mentale. Née d’un père psychologue et d’une mère infirmière, elle s’est toujours sentie très à l’aise avec des personnes atteintes de troubles mentaux graves, même dans des cas de maladies aussi importantes que la schizophrénie. Au moment de faire son choix de carrière, la psychiatrie s’est imposée comme un choix naturel. Cela allait de soi, tout simplement.
Au cours de ses études à l’Université de Sherbrooke, Marie-Ève Cotton a réalisé un stage en Afrique qui l’a profondément marquée. À son retour, elle souhaite se dévouer aux plus démunis et envisage de travailler dans le Tiers-Monde. Mais c’est finalement dans un tout autre décor qu’elle aura eu son véritable coup de foudre : le Grand Nord canadien.
«Ça a été une rencontre très forte, raconte la Dre Cotton. Je me souviens que la première fois que je suis allée dans le Grand Nord, j’ai été très touchée par la beauté du paysage – qui est extraordinaire –, mais aussi par la beauté des gens, la beauté de leur culture et la force de leur spiritualité.»
L’ethnopsychiatrie
Marie-Ève Cotton se rend désormais dans le Nord six fois par année, toujours pour une période d’une semaine et toujours dans les quatre mêmes villages. Après avoir patiemment tissé des liens de confiance avec les membres de ces communautés, elle prévoit poursuivre cet engagement toute sa vie durant.
Lors de ses premières visites dans le Grand Nord, la Dre Cotton a été profondément frappée par l’ampleur de la détresse qui touche cette communauté : taux de suicide alarmant, mortalité infantile importante, pauvreté endémique…
En plus de ces conditions sociales éprouvantes, Marie-Ève Cotton a appris à composer avec des croyances spirituelles et des valeurs bien différentes de celles qui dominent dans sa société d’origine. Comme psychiatre, elle doit notamment accepter que le regard que les Inuits posent sur la maladie mentale est souvent bien différent de celui du système médical qui l’a formée, ce qui lui impose d’interroger les patients et leurs familles de manière différente de ce qu’elle fait dans sa pratique habituelle à Montréal.
«Le premier défi rencontré comme psychiatre, explique-t-elle, c’est de passer le message qu’on arrive avec une certaine perspective sur leur détresse et ce qu’ils vivent – qui est la perspective médicale qui vient avec certains outils et certains traitements, mais qu’on est conscient qu’il y a d’autres perspectives qui existent et qui sont potentiellement aussi valables que les nôtres.» À ce titre, le cas de la schizophrénie est particulièrement éloquent puisque certaines de ses manifestations peuvent être associées à des phénomènes spirituels.
«C’est là où s’engage parfois un dialogue à savoir comment on construit le sens de la maladie, explique Marie-Ève Cotton. Et le contrat thérapeutique va être sur la souffrance et non pas nécessairement sur le phénomène.» Elle cite l’exemple d’un patient qui entendait des voix et qui souhaitait prendre des médicaments pour que l’intensité de ces voix diminue, et non pas pour les faire disparaître complètement, car il ne s’agissait pas, pour lui et sa famille, du signe d’une véritable pathologie.
«C’est ça l’ethnopsychiatrie, résume Marie-Ève Cottton, c’est de partager la légitimité des regards sur les symptômes.»
Un passage difficile
Parmi les nombreuses difficultés que traverse le peuple inuit, Marie-Ève Cotton croit que la transition vers la modernité a été particulièrement exigeante pour les hommes. «Au niveau des femmes, il y a une certaine continuité entre le mode de vie traditionnel et la modernité qui se fait au travers de la maternité qui est encore très valorisée, explique-t-elle. Chez les hommes, la discontinuité est plus brutale. Ils avaient un rôle de pourvoyeur et un rôle extrêmement héroïque compte tenu des conditions de vie tellement rudes qu’il y avait là. Il y a tout un savoir qui leur donnait un rôle clé dans la communauté et qui tout d’un coup s’effondre.»
Devant tous ces défis auxquels les Inuits font face, Marie-Ève Cotton reconnaît qu’il peut être difficile pour les psychiatres de reconnaître l’impuissance de leur profession face à la reconstruction du tissu social. «Être exposé à ces différentes approches m’a permis d’accepter et de sentir les limites de ma profession, conclut-elle, mais aussi d’être à l’aise avec le fait qu’elle a une utilité, qu’elle a encore une essence dans laquelle je crois. Sentir cette limite, c’était aussi un test de réalité, un test d’humilité. C’est un apprentissage de la réalité.»
 
 


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