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Incapables de recruter des profs en nombre suffisant, les écoles du Québec ont dû embaucher 2 150 personnes non qualifiées pour enseigner dans leurs classes, cette année, dont plusieurs qui ne possèdent rien d'autre... qu'un diplôme d'études secondaires.
Selon ce qu'a appris le Journal, les écoles de la province ont dû se résigner à émettre au moins 47 «tolérances d'engagement » à des diplômés du secondaire, de-puis le début de l'année scolaire.
Des centaines d'individus, diplômés du cégep ou ayant complété d'autres formations que le baccalauréat en enseignement, ont aussi reçu cette «permission exceptionnelle» d'enseigner.
Même s'ils ne sont pas qualifiés, ces 47 diplômés du secondaire se sont vus confier l'enseignement de matières parfois importantes, comme le français et les mathématiques. Certains sont même titulaires de classe au primaire (voir encadré).
Les institutions privées n'échappent pas au phénomène. Alors qu'elles n'accueillent que 12 % des élèves du Québec, elles ont émis près de 40 % des tolérances d'engagement délivrées à des diplômés du secondaire.
Problème de valorisation
Les données obtenues par le Journal révèlent un sérieux problème de valorisation de la profession enseignante, croit Manon Bernard, de la Fédération des syndicats de l'enseignement. «On a tout un travail à faire pour rendre cette profession attrayante, dit-elle, et il faut faire des efforts pour garder en emploi ceux qui ont choisi la profession. Quand on dit que près de 20 % des jeunes diplômés quittent l'enseignement après quatre ans, [on a un problème].»
Les directeurs d'école abondent dans le même sens. «On ne prend pas soin de nos enseignants, déplore Chantal Longpré, de la Fédération québécoise des directions d'établissement d'enseignement. Ça fait combien d'années qu'on cherche des solutions et qu'on ne les met pas en application ?», lance-t-elle.
Manon Ber nard estime qu'il faut «changer la perception» de la population à l'égard du travail des enseignants. «Est-ce qu'on est conscient de la valeur du travail et de la qualité des personnes qui enseignent dans nos écoles ?», demande-t-elle.
La question du salaire, «qui n'est pas intéressant», doit également être prise en considération, croit Chantal Longpré.
Recrutement difficile
Mme Longpré se garde toutefois de remettre en question les compétences des personnes à qui des tolérances d'engagement sont accordées. «Dans la grande majorité des cas, ces personnes ont été choisies par les directions d'école, dit-elle. Et il y a des régions où c'est plus difficile de recruter des gens qualifiés», fait-elle valoir.
Manon Bernard ajoute que ces permissions exceptionnelles d'enseigner ne sont valables que pour un an, et qu'elles sont accordées en désespoir de cause, lorsqu'aucun candidat détenant les qualifications requises n'est disponible.
Les profs non qualifiés en chiffres*
Nombre total
Pas moins de 2 150 «tolérances d'engagement» ont été délivrées en date du 20 avril 2011, dont :
1 558 à l'enseignement régulier
592 en formation professionnelle
Diplômés du secondaire
Parmi ces 2 150 profs non-qualifiés:
47 ont un diplôme d'études secondaires (DES)
9 ont un diplôme d'études secondaires avec mention (DESM)
265 ont un diplôme d'études professionnelles (DEP)
287 ont un diplôme d'études collégiales (DEC)
1 173 ont un baccalauréat
76 ont une maîtrise
293 ont un autre type de diplôme
Enseigner avec un DES
Voici les matières enseignées par les 47 diplômés du secondaire :
5 enseignent l'anglais, langue seconde
4 sont titulaires de classe au préscolaire ou au primaire
4 enseignent les mathématiques
4 enseignent la musique
2 enseignent l'anglais, langue d'enseignement
2 enseignent une autre langue
2 enseignent le cours d'éthique et culture religieuses
2 enseignent les sciences humaines
1 enseigne le français, langue d'enseignement
1 enseigne le français, langue seconde
20 enseignent en formation professionnelle
Au privé aussi
Voici la répartition des 2 150 tolérances d'engagement :
1 683 dans les écoles publiques
467 dans les écoles privées
* : Le nombre d'individus non qualifiés qui enseignent peut être moins élevé que le nombre de tolérances émises. Plusieurs tolérances peuvent être émises pour un même individu.
REF,: , MINISTÈRE DE L'ÉDUCATION
sebastien.menard@journalmtl.com