L'utilisation par la police, pour la première fois au Canada, d'un détenu en libération conditionnelle, vient de tourner à la catastrophe : la juge Hélène Morin a décrété un arrêt des procédures dans la cause de Christopher Tune, accusé d'avoir comploté en vue de l'importation spectaculaire de cocaïne avec une organisation criminelle. La décision pourrait avoir des répercussions désastreuses dans plusieurs causes inscrites -et même déjà jugées -devant les tribunaux. Même dans les projets impliquant des Hells Angels, soit SharQc et Baladeur, a-t-on appris.
L'agent d'infiltration Pierre Tremblay est au coeur de toute la problématique. Il est un élément crucial de la preuve amassée dans plusieurs projets d'enquête de la GRC, notamment les projets Cubain et Cabernet, qui ont permis d'arrêter plusieurs trafiquants de drogues.
Drogue, mensonges et cachettes
Tout a débuté le 2 septembre 2005, alors que Tremblay signait une entente à titre d'agent d'infiltration. Mais il collaborait avec la police de-puis décembre 2004, particulièrement avec l'agent John Golden.
Depuis déjà plusieurs années, ce dernier rêvait de voir Tremblay devenir un collaborateur de police. Mais, à la suite de son arrestation, en 1998, dans l'opération Capucin, le policier a dû attendre qu'il soit mis en libération conditionnelle.
Tremblay était alors libre, mais devait demeurer dans un rayon de 60 kilomètres de Montréal et il lui était interdit de fréquenter ou de communiquer avec des criminels.
À cette époque, on le considérait comme un indicateur de police. Mais dans les faits, selon la juge Morin, il agissait bel et bien comme un agent d'infiltration. La différence : dans le cas d'un indicateur, la police n'a pas à respecter les règles de l'article 25.1 du Code criminel.
«Il était plus simple ou plus économique de le cataloguer comme simple indicateur, alors qu'il était un agent sur le terrain », écrit la juge Morin.
Ainsi durant cette période, il appert que la police aurait caché les écarts de conduite de Tremblay.
Jusqu'à 200 kg de cocaïne
En fait, l'agent Golden et d'autres policiers l'ont laissé poursuivre son trafic de cocaïne, sans contrôle aucun. Et Tremblay pouvait conserver toutes les recettes. On parle de quantités allant de 150 à 200 kg de cocaïne. En plus de ses rémunérations policières.
On aurait aussi fermé les yeux sur les bris des conditions imposées par la Commission nationale des libérations conditionnelles.
De plus, lorsqu'on a voulu faire retirer les conditions qui rendaient difficiles l'infiltration de groupes criminels, on a carrément menti à la Commission et au Service correctionnel du Canada, indiquant que Tremblay collaborait «de façon remarquable».
Dans son jugement rendu hier, la juge Morin avance aussi qu'en plus de réaliser le rêve de l'agent Golden, les agissements de la police faisaient aussi suite à des préoccupations budgétaires.
«Les préoccupations de M. Golden au sujet des restrictions budgétaires expliquent en partie pourquoi Pierre Tremblay est devenu l'enquêteur à la place des enquêteurs», écrit-elle.
Devant cet «abus», cette «faille irrémédiable», la juge Morin ne voit d'autre remède que d'ordonner un arrêt des procédures.
Un jugement percutant
Ce que la juge a dit:
«Les préoccupations de M. Golden au sujet des restrictions budgétaires (...) expliquent en partie pourquoi Pierre Tremblay est devenu l'enquêteur à la place des enquêteurs avec la protection de M. Golden (...).
«Cette mission qu'avait Pierre Tremblay nécessitait qu'il trafique. (...) Mais en même temps, s'il était le criminel de calibre supérieur, comme le qualifiait M. Golden, qu'avait-il à trafiquer à la semaine longue avec des cibles de niveau inférieur, si ce n'est que pour de l'argent, dont la GRC n'a jamais vu la couleur ?
«Le Tribunal est d'avis que c'est en toute connaissance de cause que les policiers ont permis à Pierre Tremblay d'acheter et de vendre de la cocaïne, sans aucun contrôle de la police (...) faisant ainsi fide toutes les règles édictées (...).
«Il était plus simple ou plus économique de le cataloguer comme simple indicateur, alors qu'il était un agent sur le terrain, fonction exigeant de la GRC qu'elle se conforme à la loi (...).
«Repousser les limites ne veut pas dire les dépasser.
«Dans de telles circonstances, comment ne pas conclure à un abus et à une faille irrémédiables dans la confiance que la collectivité est en droit d'avoir dans les diverses agences de l'État chargées d'assurer le respect de la loi et sa sécurité ?
«Il est inconcevable que les différents collaborateurs de la justice(...), incluant la Poursuite, n'aient pas tous été appelés à se pencher sur les questions que soulevait cette situation particulière, avant même d'approcher Pierre Tremblay.
SOURCE: JUGEMENT RENDU HIER PAR LA JUGE HÉLÈNE MORIN, DE LA COUR DU QUÉBEC, DANS LA CAUSE DE CHRISTOPHER TUNE, AU PALAIS DE JUSTICE DE MONTRÉAL.
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A l'envers c'est a l'endroit ,.........vous vous en appercevrez a un moment donné !