Dysfonctionnements de l'Hôpital Notre-Dame: Un Autiste est décédé seul ,sans surveillance ?
Relaté dans le journal Le Devoir,par Marie-ëve Cousineau et Marie-Michèle Sioui , le 26 Janvier 2021.
Des organismes de défense de personnes ayant un handicap dénoncent les circonstances de la mort d’un homme atteint d’autisme et de la COVID-19 aux soins intensifs de l’Hôpital Notre-Dame, à Montréal. Une enquête du Devoir a révélé lundi que le patient de 52 ans, placé sous curatelle publique, a arraché le matériel respiratoire auquel il était rattaché, alors qu’il était sans surveillance.Au Devoir, douze employés et ex-employés de cet établissement de santé ont dit craindre pour la sécurité des usagers qui y séjournent.
Le décès d’un homme autiste aux soins intensifs COVID de l’Hôpital Notre-Dame dans la nuit du 5 janvier dernier aurait pu être évité, estiment quatre personnes bien au fait du dossier. Ces sources ont demandé l’anonymat, par crainte de représailles administratives ou de nature judiciaire de leur employeur, mais aussi parce qu’elles ne sont pas autorisées à parler pendant l’enquête interne qui est en cours. Toutes craignent cependant qu’aucune mesure ne soit prise par l’Hôpital, et c’est pour cette raison qu’elles se sont confiées au Devoir.
La directrice générale de la Société québécoise de la déficience intellectuelle, Anik Larose, est outrée. « C’est totalement inadmissible, dit-elle. C’est ce qu’on anticipait et malheureusement, c’est ce qui est arrivé. » Ces personnes doivent absolument être accompagnées, selon elle. « Elles peuvent se désorganiser à l’hôpital, un milieu hautement anxiogène en temps de COVID-19 », signale Anik Larose.
Atteint de la COVID-19, l’adulte autiste de 52 ans placé sous curatelle publique est mort seul des suites d’une insuffisance respiratoire hypoxémique. Personne ne se serait trouvé à ses côtés cette nuit-là, malgré le fait que son état nécessitait la présence continue d’un intervenant spécialisé dans l’accompagnement de personnes ayant une déficience intellectuelle ou d’un préposé de garde. Selon les témoignages recueillis, le patient n’aurait pas vu l’infirmier aux soins intensifs pendant plus d’une heure quand il a été retrouvé mort.
« Ça n’a pas de maudit bon sens ! » Danielle Gaudet est présidente du Comité des usagers du Centre de réadaptation en déficience intellectuelle et en troubles envahissants du développement (CRDITED) de Montréal, qui fait partie du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, tout comme l’Hôpital Notre-Dame. « Comment se fait-il que cette personne sous curatelle et qui a un trouble du spectre de l’autisme n’était pas accompagnée aux soins intensifs ? Et qu’elle a réussi à se débrancher ? », demande-t-elle.
Le Comité des usagers du CRDITED de Montréal se dit d’autant plus inquiet que les cas de COVID-19 se multiplient dans les ressources intermédiaires (RI) et les ressources de type familial (RTF), qui hébergent des personnes ayant une déficience intellectuelle ou un trouble du spectre de l’autisme sur le territoire du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal. Une vingtaine d’éclosions sont en cours, un sommet depuis le début de la pandémie, selon les plus récentes données du CIUSSS.
Depuis le début de la deuxième vague, huit résidents de RI et RTF sont morts de la COVID-19, indique le CIUSSS. Environ 155 résidents de RI et RTF ont contracté la maladie pendant la même période. « Quand on pose des questions sur n’importe lequel sujet à la direction des DI-TSA-DS [déficience intellectuelle, trouble du spectre de l’autisme et déficience physique] du CIUSSS, ils ne nous répondent pas, s’insurge Danielle Gaudet. C’est l’omerta. »
Nathalie Goulet, intervenante familiale à Autisme Montréal, n’est pas étonnée qu’une telle situation soit survenue. « Ce qui existait avant la COVID-19 ne fait que s’accentuer », dit-elle. Elle cite en exemple le cas d’un jeune atteint d’un trouble du spectre de l’autisme dont la porte de chambre dans un hôpital montréalais était surveillée par un agent de sécurité, faute d’intervenant adéquat pour s’occuper de lui.
Enquête interne en cours
La Société québécoise de la déficience intellectuelle a interpellé le ministère de la Santé et des Services sociaux au sujet de l’accompagnement des gens ayant une déficience intellectuelle à l’hôpital, avant même d’être mis au fait de la mort de cet homme de 52 ans. « On nous a dit que si les centres hospitaliers font une demande à leur CIUSSS ou CISSS, ils peuvent avoir un soutien de la part de la direction de DI-TSA [pour s’occuper de ces patients] », rapporte Anik Larose.
Que s’est-il passé dans le cas de cet homme de 52 ans ? Un protocole avait-il été mis en place ? Questionné à ce sujet, le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal a répondu qu’il ne pouvait commenter le dossier. Une enquête interne est en cours. « Les premières personnes qui seront mises au courant des détails de cette enquête, ce sont les membres de la famille, a dit le porte-parole Jean-Nicolas Aubé. Nous sommes déjà en contact avec eux. »
La directrice du programme DI-TSA-DP du CIUSSS Carla Vandoni rétorque quant à elle qu’elle répond « à toutes les questions » du Comité des usagers du CRDITED de Montréal. « Mais pas toujours le jour même », précise-t-elle.
Carla Vandoni souligne que les mesures pour contenir les éclosions dans les RI-RTF vont être « intensifiées ». Des équipes de prévention et de contrôle des infections offrent déjà un soutien aux ressources, notamment en ce qui a trait aux équipements de protection individuelle, indique-t-elle. « On va rajouter du personnel qui vont circuler dans les milieux pour s’assurer que tout est bien fait », précise Carla Vandoni.
Tous les employés et ex-employés qui se sont confiés au Devoiront demandé de garder l’anonymat par peur de représailles administratives ou de nature judiciaire de la part de l’Hôpital Notre-Dame.