Depuis lundi sur internet l'épisode 1 de la saison 3 de la série américaine Homeland, qui a été divulgué un mois avant son passage à la télévision: un exemple de plus du piratage massif des séries sur internet.
Plus besoin de télécharger des fichiers partagés entre internautes, ce qui nécessite un minimum de maîtrise de l'ordinateur. Le streaming (visionnage sans téléchargement) est devenu le moyen le plus répandu pour regarder une série gratuitement, légalement ou illégalement.
Et en toute impunité, car pour le streaming, Hadopi, l'autorité anti-piratage, explique n'avoir pas pour mission de contrôler ni les sites qui référencent les vidéos en streaming ni les internautes qui les regardent.
Que les séries soient ou non déjà diffusées en France, les épisodes circulent sur internet dès leur sortie à l'étranger : une recherche sur internet permet de voir des dizaines de sites, comme dpstream ou dpstreamiz, très fréquentés en France, qui affichent une liste de liens. Ces liens pointent vers l'oeuvre, diffusée en streaming depuis de gros sites de stockage de fichiers comme MixtureCloud, Youwatch ou Purevid. Ils ont pris le relais de MegaUpload, fermé par les autorités américaines début 2012.
La situation est d'autant plus confuse que sur un site majeur comme YouTube se côtoient contenus légaux et illégaux, et que parfois les ayants-droit décident de ne pas demander le retrait de leurs vidéos car ils profitent de leur notoriété.
Concrètement, surveiller les millions de fichiers que les internautes transmettent à ces plateformes est une tache sans fin.
Certains sites de stockage récompensent d'ailleurs les internautes qui envoient des fichiers, en les rémunérant si leurs vidéos sont très regardées. De quoi pousser beaucoup à leur envoyer des copies d'un DVD ou des enregistrements illégaux d'émission télé.
Ventes légales en recul
Côté utilisateur, les gros sites de stockage font souvent payer les internautes au bout d'une certaine durée de visionnage. Un gros site de streaming peut engranger environ 24 millions d'euros (33 millions de dollars canadiens) de chiffre d'affaires par an, selon une étude de l'Idate de l'an dernier.
Dès que les télés françaises annoncent la prochaine sortie d'une série américaine inédite en France, le nombre de recherches sur des sites de streaming augmente nettement sur Google.
Le piratage nuit aux ventes légales : au 1er semestre le chiffre d'affaires des DVD et Blu-Ray a baissé de 12,5% sur un an, selon le baromètre CNC-GFK. La VoD (vidéo à la demande) légale devrait progresser de 17% cette année mais son chiffre d'affaires ne pèse que 20% environ du chiffre d'affaires des ventes physiques.
Impossible de dire combien de copies d'un film sont vues en streaming : une récente étude d'Hadopi montre seulement que 37% des internautes regardent des séries, dont la moitié (46%) en streaming, une pratique désormais plus de deux fois supérieure au téléchargement. Ils regardent des séries internationales à 72% et, dans 37% des cas, illégalement, même si les usages légaux progressent via la télé de rattrapage.
L'internaute doit juger si le contenu semble «manifestement illicite» par «faisceau d'indice» mais Hadopi n'exercera pas de contraintes sur lui.
Quant aux sites de référencement des liens en streaming, ou de stockage de fichiers illégaux, Hadopi n'est tout simplement pas chargé de les contrôler. Seuls les ayants-droit peuvent agir en leur demandant le retrait de leur oeuvre, voire saisir la justice, mais les cas sont rares.
«La loi ne nous permet d'intervenir que sur les pratiques de partage de fichiers entre internautes, lorsqu'un fichier illégal est stocké par un internaute et mis à disposition des autres, on lui envoie un message», explique un porte-parole d'Hadopi.
L'institution est en sursis: le Parlement pourrait adopter très prochainement un amendement qui la supprime et transférera ses missions au CSA.